Prompt : Et si... Et si Simon n'avait pas réussi à sortir River de l'Académie, il est persuadé qu'elle est morte lors du sauvetage (spoiler : non ! ) et il est un fugitif qui a tout perdu et n'arrive même pas à vivre pour la vengeance. Le Firefly tombe sur lui et Mal voit un reflet de lui-même dans cet homme à qui l'Alliance a tout volé...

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Chapitre 1 Le docteur d'Aberdeen

Ils en entendirent parler avant de le rencontrer, par la rumeur et Mal s'était empressé d'en prendre note. Il était arrivé depuis peu sur Aberdeen un homme capable de soigner sans trop amocher ses patients, qui n'oubliait par ses instruments dans leur estomac et qui ne posait aucune question indiscrète. C'était ce qu'on appelait, dans le monde de la pègre, un homme à conna?tre et on pouvait toujours avoir besoin d'un homme de ce genre. Le capitaine du Serenity ne pensait toutefois pas en avoir besoin si rapidement. Leur dernière mission les avait conduit sur la petite planète de Newhall et ils s'y étaient retrouvés un peu plus riches qu'avant, mais sans perspective d'emploi dans l'immédiat. Plut?t que de repartir au hasard, ils avaient décidé de rester à terre le temps de trouver quelque chose.

Le meilleur endroit pour trouver un client sur Newhall, c'était, comme souvent, la grand place de la ville principale. C'est là que les choses avaient mal tourné, comme c'était souvent le cas ces derniers temps. Mal, Jayne et Zoé s'étaient retrouvés, bien malgré eux pris au beau milieu d'une manifestation contre le gouvernement local qui asphyxiait peu à peu la population avec ses taxes toujours plus élevés. Le gouvernement, crevant de trouille, n'avait rien trouvé de mieux à faire que d'appeler l'Alliance à la rescousse. L'Alliance, toujours égale à elle-même, avait profité de l'occasion pour sortir du matériel dernier cri, approprié peut être contre des miliciens armés et équipés, mais pas contre des civils protestant contre la corruption et le prix du pain.

Surprise.

Mal avait su que les choses allaient mal tourner dès qu'il avait vu les manifestants, puis les gros bras de l'Alliance arriver sur la place, mais il ne put rien faire. Il se tenait alors très loin de Zoé et Jayne, s'étant séparé d'eux pour négocier le prix d'outils que réclamait Kaylee à corps et à cri pour l'entretien de ses précieux moteurs. Zoé et Jayne étaient trop loin de lui quand il vit les soldats se mettre en place et trop occupés à négocier leur cargaison avec leur contact pour remarquer les grands gestes qu'il leur adressa. Ils étaient relativement à l'abri sous une porte cochère découpée dans l'une des arcades de la place. Seulement, le genre de matériel qu'avait déployé l'Alliance était familier à Mal. Il l'avait vu déployer leurs cousins sur plusieurs planètes indépendantistes. Un mur de brique n'y résisterait pas. En hurlant, dans le vain espoir que sa voix surpasse le volume de celui de la foule en colère, il se fraya un chemin entre les manifestants soudain inquiets. Le tir de semonce faucha les vingt premier rangs des manifestants et le mur derrière eux. Mal n'avait à ce moment là même pas fait trois pas et il se retrouva entra?né par le reflux de la foule terrifiée. La plupart de ces gens n'étaient même pas des manifestants, juste des commer?ants aux marchandises plus ou moins légales et des passants innocents. Bien s?r, l'Alliance n'avait rien à faire des passants innocents.

Mal n'essaya même pas de lutter contre le mouvement de la foule, n'y d'expliquer à ces gens que leur lutte était vaine. Il était trop occupé à essayer de ne pas se faire écraser. Il réussit finalement à se réfugier dans une rue perpendiculaire et ne revint que quand les coups de feu et les tirs se furent calmés.

La place, qui deux heures plus t?t était pleine d'étals et de fl?neurs, n'était plus qu'un champ de ruine jonché de cadavres. Mal détestait les combats urbains, les armes de l'Alliance y faisaient trop facilement une boucherie. Il chercha à se repérer, à retrouver l'endroit exact où il se tenait quand tout avait commencé et l'arcade où se tenaient Zoé et Jayne. Il finit par la repérer, mais elle avait été oblitérée, à plusieurs reprises. En voyant une main dépasser de sous les décombres, Mal cru que son c?ur allait s'arrêter.

-Mal !

Il tourna la tête vers l'autre c?té de la place. ? moitié cachés derrière des décombres, Jayne lui faisait de grands signes de la main. Son front était couvert de sang, son teint blême et, inquiet, Mal se mit à courir. Il traversa la place sans se soucier d'éventuels tireurs embusqués à la recherche de rebelles. Il lui sembla qu'une balle le fr?lait en sifflant mais il l'ignora et sauta derrière les gravats. Il tomba nez à nez avec Zoé qui baissa aussit?t l'arme pointée dans sa direction et lui sourit faiblement.

-Vous tombez à pic capitaine, soupira-t-elle. Il était hors de question que je laisse Jayne poser ses sales pattes sur moi pour me porter au vaisseau, il en profiterait.

Nul doute qu'en temps normal il en aurait bel et bien profité mais Mal jeta un coup d'?il à la tache de sang qui s'élargissait sur le biceps droit de de Jayne et grima?a. Entre cette blessure et le sang qui coulait sur son front, mieux valait qu'il évite de porter qui que ce soit. Zoé était dans un pire état encore. Un énorme hématome s'élargissait sur son visage couvert de terre et de pl?tre. Prostrée contre le mur, les yeux vitreux, elle donnait tous les signes d'une monumentale commotion cérébrale. Sa jambe était tordue en un angle anormal qui donnait la nausée à Mal rien qu'en le regardant et sa chemise et sa veste étaient elles aussi couvertes de sang. ? tout autre moment, Mal aurait été réticent à l'idée de la déplacer sans s'être assuré qu'elle n'avait rien d'autre, mais les soldats de l'Alliance étaient trop proches à son go?t. Lisant l'hésitation dans son regard, Zoé soupira et lui tendit les bras, sans l?cher son pistolet.

-Je ne tiens pas à tomber dans les pattes de l'Alliance quand ils décideront de trouver des boucs émissaires pour cette boucherie. Dépêchez-vous capitaine, plus vite nous serons au vaisseau, plus vite nous pourrons nous occuper de ces deux ou trois trous qu'ils m'ont fait.

-Deux ou trois trous, vraiment ?

Avec l'aide de Jayne, il réussit à la placer dans ses bras d'une fa?on qui, espérait-il, n'appuyait pas trop sur ses blessures. Elle grima?a néanmoins avant de s'accrocher d'une main à son épaule pour être plus confortable.

-Quelque chose comme ?a. Je dois aussi avoir une ou deux c?tes fêlées, j'ai un peu de mal à respirer.

Sa respiration était de plus en plus sifflante en effet et ne rassurait pas vraiment Mal. La seule pensée un brin réconfortante qui lui venait à l'esprit, c'était que Serenity n'était pas loin. Il commen?a à avancer, le plus vite possible mais en rasant les murs pour ne pas offrir une cible trop remarquable aux soldats. Il se tourna vers Jayne qui se tra?nait à ses c?tés.

-Tu peux marcher, mais est-ce que tu peux courir ?

-Seulement si j'ai pas le choix Mal. Je crois que l'un de ces foutus projectiles m'a atteint à la cuisse.

-Hé bien tu ne va pas l'avoir. Tu peux être s?r que l'Alliance va chercher à bloquer les départs de vaisseaux et à chercher des boucs émissaires. Officiellement, ce seront des terroristes qui auront causé ces dég?ts et eux seront les bons samaritains venus aider. Si tu ne veux pas leur servir de bouc émissaire ou être coincé ici sans possibilité de gagner de l'argent parce que tout le monde sera trop terrorisé pour faire de la contrebande, tu vas devoir courir jusqu'au vaisseau et dire à Wash et Kaylee de faire immédiatement tourner les moteurs.

Jayne ne se le fit pas dire deux fois et se précipita vers le spatioport. Sa blessure le ralentissait cependant, et même en portant Zoé qui s'évanouit à mi-chemin, Mal posa le pied dans le hangar de Serenity seulement une petite minute après lui. Il confia aussit?t Zoé au pasteur et se précipita sur l'intercom.

-Wash, décolle !

-Ma femme, cria Wash en retour, comment va ma femme ?

-? bord, on s'en occupe, décolle immédiatement, on fout le camp d'ici.

Après une seconde d'hésitation, trop longue au go?t de Mal, l'écoutille se referma et les moteurs vibrèrent. Le capitaine s'effondra sur une caisse abandonnée pour reprendre son souffle. Il prit la direction de l'infirmerie avant de remarquer que le vol de Serenity se stabilisait trop vite à son go?t. Jurant et crachant sa colère, il grimpa quatre à quatre l'escalier vers le pont et s'y engouffra. Par la fenêtre, il pouvait voir les plaines de Newhall. Ils étaient encore sous la barrière des nuages.

-Qu'est-ce que tu fout Wash ? Je t'ai dit de foutre le camp, par de survoler la campagne. Tu devrais déjà être hors de l'atmosphère.

-Chiu Se. Ma femme est gravement blessée. On l'emmène voir un docteur.

Mal se retint pour ne pas l?cher une bordée de jurons. Quand il avait envoyé Jayne en avant, il n'avait pas pensé à lui dire de cacher la gravité de l'état de Zoé à son mari. Cela lui avait semblé évident qu'il fallait le faire, mais pas pour l'esprit obtus de Jayne. Il était tenté de lui hurler dessus et de l'accuser d'insubordination et d'idiotie mais il n'arriverait à rien comme cela. Parfois, il était difficile de se rappeler que tout le monde n'avait pas vécu la guerre comme lui et Zoé. Wash n'avait aucune idée de ce qui pouvait se passer sur cette planète dans les prochains jours. Se for?ant à respirer profondément et à décrisper ses poings, il essaya de lui expliquer aussi calmement que possible.

-L'Alliance vient de commettre un massacre Wash, sur des civils. Maintenant, ils vont avoir deux objectifs, trouver des coupables pour porter le chapeau et terroriser ces gens assez fort pour être s?r que personne ne dise jamais la vérité sur ce qu'il s'est passé. Zoé et moi on est des coupables idéals. On l'amène à un docteur sur cette planète ? D'accord, mais dans moins de vingt quatre heures elle sera dans une prison de l'Alliance et je te garantis qu'ils ne la soigneront pas. S'ils ne veulent pas de nous comme coupables, ils voudront peut être quand même nous faire taire, et peut être définitivement.

-Tu n'en sais rien, cracha Wash en gardant les yeux fixés sur l'horizon et sans dévier de sa course.

-Je le sais et Zoé le sait. Il va y avoir des perquisitions sur toute la planète pour arrêter les fortes têtes et les opposants politiques. L'Alliance en est pas à son premier rodéo du genre et tu sais quels sont les premiers endroits qu'ils vont aller fouiller partout sur la planète ? Les h?pitaux et les cabinets de docteurs. Parce que c'est là que se cachent les rebelles blessés. Zoé a besoin de soins mais pas ici. Partout sauf ici.

Wash le regarda un moment avec incertitude puis frappa la console, envoyant voler le dinosaure qui s'y trouvait. Il ferma les yeux et jura en silence avant de reporter son attention sur Mal et le supplia du regard.

-Dis-moi où l'emmener alors Mal, je ne veux pas qu'elle meure.

Mal n'avait pas encore eu le temps d'y penser vraiment. Fuir la planète avait été le seul objectif qu'il pouvait se fixer et il d?t prendre un moment pour réfléchir et cataloguer les personnes qu'il connaissait à proximité et qui pouvaient aider, mais ce secteur n'était pas celui où ils avaient le plus de contacts amicaux et Inara n'était pour le moment pas à bord pour leur ouvrir des portes. L'appeler et lui demander d'intervenir serait perdre un temps précieux. C'est alors qu'il se souvient d'une chose dite en passant devant lui quelques semaines plus t?t. Il y avait un médecin ou quelque chose d'approchant sur la planète Aberdeen, doué et peu bavard. Il n'y avait pas si longtemps entre Newhall et Aberdeen et il était presque s?r que Zoé pourrait tenir jusque là.

-Aberdeen. Mets le cap sur Aberdeen.

-Je met le cap et je descends auprès de Zoé, tu nous y amènera, décida Wash en commen?ant la man?uvre en se levant déjà à moitié.

Mal posa une main implacable sur son épaule.

-Non. Je redescend aider Book. La dernière chose dont il a besoin c'est d'avoir un mari inquiet sur le dos. Je suis pas plus médecin que lui, mais j'ai servi sur le front. On apprend toujours quelques petits trucs pour garder les camarades en vie plus longtemps. Fais-nous confiance, et pousse Serenity à fond.

Cette fois, Wash se rendit sans insister. Il jeta un dernier regard inquiet à la chemise de Mal, imbibée du sang de sa femme, serra les dents et man?uvra pour les faire sortir de l'atmosphère. Rassuré de ce c?té, Mal redescendit vers l'infirmerie. La petite figure inquiète de Kaylee l'attendait devant celle-ci et son c?ur se serra. Ils auraient d? aller chercher du travail ailleurs, dans des eaux plus familières. Tant qu'ils avaient de quoi rester en vol, le reste n'avait pas d'importance. Il aurait d? sentir la tension monter sur Newhall. Il aurait du comprendre que quelque chose de sinistre allait se produire.

-Est-ce que Zoé va mourir ?

-On va faire ce qu'il faut pour l'en empêcher. Elle a la tête solide notre Zoé, elle ne va pas se laisser faire.

Elle hocha la tête en retenant ses larmes et il la prit dans ses bras en essayant de ne pas penser aux chances élevées que Zoé meurt avant qu'ils atteignent Aberdeen. Il finit par l'embrasser sur le front et la pousser vers l'escalier.

-Va tenir compagnie à Wash, il a davantage besoin de compagnie que Zoé pour le moment. Et assure toi que les moteurs soient poussés au maximum.

Une détermination nouvelle affichée sur son front, Kaylee opina, essuya ses larmes et grimpa les escaliers, laissant Mal seul. Il hésita à regarder par la fenêtre de l'infirmerie, mais savait que s'il le faisait, il n'aurait plus la force d'entrer à l'intérieur. Prenant son courage à deux mains, il entra et fut aussit?t assailli par l'odeur de sang. Zoé était allongée sur la table d'opération, toujours inconsciente. Voyant sa p?leur, Mal se demandait si elle avait déjà perdu trop de sang pour s'en sortir ou s'il se faisait des idées. Le pasteur se tenait auprès d'elle et faisait pression sur son estomac avec une compresse complètement imbibée de sang. Son soulagement à l'entrée de Mal fut saisissant.

-Vous tombez bien. Cette femme a besoin de sang et vous êtes du même groupe.

Saisissant son idée, Mal se précipita vers les tiroirs et fouilla frénétiquement à la recherche du matériel nécessaire à une transfusion. Il fut étonné de voir qu'ils étaient relativement bien pourvus de ce c?té là mais se promit de faire plus d'efforts pour garder les stocks de l'infirmerie correctement approvisionnés à l'avenir. Au passage, il saisit une pile de compresses et les déposa sans un mot auprès de Book. Celui-ci s'empressa de jeter celle qu'il tenait pour en saisir une nouvelle. Tandis que Mal mettait en place l'intraveineuse, il lui jeta des regards inquiets.

-Quand seront nous auprès d'un médecin ? J'ai quelques connaissances en matière de premiers secours, mais ceci dépasse tout ce que je suis capable de faire.

-Dans quelques heures, si tout va bien. On ne pouvait pas rester sur Newhall.

Le prêtre opina de la tête, comprenant immédiatement ce que voulait dire le capitaine, puis se rembrunit.

-Alors à part changer régulièrement ses compresses et bandages, j'imagine qu'il ne nous reste plus qu'à prier d'arriver à temps.

-Avec tout le respect que je vous doit, ricana Mal, je pense que vos capacités en matière de soins d'urgence lui seront bien plus utiles.

-Quelques heures ?, se plaignit Jayne, assis sur la banquette. Il va me falloir d'autres médocs alors, ?a me fait un mal de chien. Je sais pas avec quoi ils ont tiré mais je crois bien que j'ai des fragments partout dans le bras. ?a doit pas être joli à voir dans les entrailles de Zoé.

L'idée fit grimacer les deux autres hommes, mais ils ne pouvaient rien y faire dans l'immédiat. Mal ne se sentait pas assez compétent pour fouiller dans des blessures comme celles-là à la recherche de shrapnell sans faire plus de dég?ts encore. Une fois la transfusion de sang en cours, il se dépla?a de quelques pas pour relayer Book, ce qui permit à celui-ci de prendre le temps de bander la jambe tordue et sanguinolente de Zoé, puis de nettoyer son visage. ? leur grand soulagement, elle ne semblait pas saigner de la tête, mais une bosse monumentale prenait forme à l'arrière de celle-ci. Une fois légèrement rassuré, Book se dirigea vers Jayne pour l'aider à se bander à son tour. Quand ce fut fait, il ne purent que rester assis au c?té des deux blessés, et attendre. Il semblait à Mal qu'il entendait une vieille horloge tictaquer dans sa tête.

Ce fut un soulagement quand Kaylee passa la tête dans l'entreb?illement de la porte. Ses yeux étaient rouges, mais elle réussit à leur offrir un léger sourire.

-On arrive en vue d'Aberdeen, Wash réclame de l'aide pour atterrir là où il faut. Mal ?

Le capitaine sauta aussit?t sur ses jambes. Il avait cessé depuis un petit bout de temps la transfusion sanguine et il passa à grandes enjambées à c?té de Kaylee, lui offrant une petite tape sur l'épaule en guise d'unique réconfort. Il n'avait pas la force d'en faire plus, pas alors qu'il était rongé par l'inquiétude, et laissait au pasteur le soin de trouver les mots pour la rassurer. C'était sa vocation après tout. Après un instant d'hésitation, Mal décida de passer rapidement dans sa cabine avant de rejoindre Wash. Ce dernier n'avait pas besoin de le voir maculé du sang de Zoé. Un coup d'?il dans son miroir lui donna raison. Même ses mains et son front étaient poisseux de sang séché.

Une fois rincé et changé, il jeta un nouveau coup d'?il à son reflet mais s'en détourna pour échapper aux yeux accusateurs qui le contemplaient en retour.

Mal quitta sa chambre sans pouvoir lutter contre l'impression d'être suivi par son propre regard noir. En comparaison, celui que lui lan?a Wash fut presque un soulagement. Ici, la colère et la rancoeur avaient disparu, remplacées par l'espoir.

-Zoé ?, demanda-t-il en tremblant.

Ne pouvant se résoudre à lui mentir pour garder cet espoir en vie, Mal se contenta de s'asseoir sur le siège du copilote en grognant. Les épaules de Wash s'affaissèrent.

-Dites-moi juste que vous savez où aller capitaine, réussit-il à grincer entre ses dents serrées.

Sans lui tenir rigueur de son humeur, Mal ouvrit la carte de la planète et chercha dessus le village que ses contacts lui avaient indiqué quelques semaines auparavant. ? son grand soulagement, il le trouva rapidement et passa les coordonnées à Wash. Quelques minutes plus tard, Serenity pénétrait dans l'atmosphère d'Aberdeen.

Ce n'était pas une planète où Serenity s'était souvent rendue et, vue du ciel, elle ne payait guère de mine. Pas de grandes villes visibles depuis le ciel, juste des champs et des plaines semi-arides entre des cha?nes de montagnes. Il était difficile d'imaginer ce qu'un docteur un minimum compétent pouvait bien faire là. L'homme devait vraiment aimer l'isolement, ou se tra?ner de fortes dettes. Que ce soit l'un ou l'autre, Mal y était indifférent, tant qu'il pouvait soigner Zoé.

Serenity atterrit à la limite d'une des plus grosses bourgades de la planète, constitué de trois rues parallèles et d'une cinquantaine d'habitations blanchies à la chaux. Mal n'attendit pas la fin de la procédure d'atterrissage pour sauter sur le sol. Dès qu'il fut au sol, il tendit les mains à Kaylee pour l'aider à faire de même.

-Dites à Wash de chercher le docteur dans la rue la plus au sud, cria-t-il au pasteur pour se faire entendre par dessus le bruit des moteurs. On se charge des deux autres.

Il n'attendit pas la réponse de Book. Celui-ci avait promis de faire tout ce qu'il pourrait pour la garder en vie et ne quitterait pas son chevet. C'était à eux d'agir maintenant. Kaylee et lui coururent aussi vite que possible, chacun vers une rue différente et jamais ils n'avaient été aussi vite. ? la première maison, Mal s'arrêta brusquement, toqua et essaya d'ouvrir la porte sans attendre une réponse. Constatant qu'elle était fermée à clé, il jura et se précipita vers la porte suivante. Elle l'était également. La troisième s'ouvrit alors qu'il avait à peine effleuré son heurtoir et une dame entre deux ?ges le fixa d'un air suspicieux.

-Le docteur ?, demanda-t-il tout en reprenant son souffle.

La femme fron?a les sourcils.

-Le ?

-Le docteur ! Où est le docteur, j'ai une blessée sur les bras. Vous en avez bien un ?

Si l'homme était parti ou si on lui avait donné de mauvaises indications, Zoé était perdue et ils devraient opérer sauvagement Jayne pour retirer les fragments de ses blessures. Mal retrouverait le fumier qui lui avait donné de mauvaises indications et le ferait payer. Il était à deux doigts de frapper la femme qui le jaugeait de haut en bas en prenant son temps, comme si une vie n'était pas en jeu. Finalement, elle leva le bras pour désigner le bout de la rue.

-Il vit là, la dernière maison sur la droite.

-Et il est chez lui à cette heure-ci ?

Elle haussa les épaules et referma la porte d'un air peu concerné.

-Fille de chien pustuleux, gronda-t-il avant de se remettre à courir.

La maison indiquée ne payait pas de mine, même en comparaison aux autres du village. Son propriétaire ne ressentait visiblement pas le besoin de l'entretenir. La porte fermait mal et n'avait pas été réparée. Il suffit d'une poussée à Mal pour l'ouvrir et entrer dans une pièce unique, meublée de bric et de broc et qui sentait légèrement le moisi. L'unique occupant était allongé sur le lit, tout habillé, les yeux fixés au plafond. Il ne réagit pas à l'entrée de Mal.

-C'est vous le docteur ?

L'homme tourna la tête vers Mal, comme étonné de le voir là. Il était jeune, joli gar?on et ses vêtements frippés mais bien taillés indiquait qu'il avait eu de l'argent, jusqu'à récemment. Il soupira et détourna le regard.

-Plus maintenant.

-Et bien, vous allez devoir l'être à nouveau. J'ai besoin de vous.

Le docteur, ou ex-docteur visiblement, se redressa et s'assit sur son lit. Il foudroya du regard Mal.

-Vous n'avez pas entendu ? Je ne suis plus docteur. Vous pouvez prendre votre cirrose, votre maladie vénérienne ou que sais-je encore et aller la montrer à quelqu'un qui s'en soucie.

-Mon amie ne tiendra pas jusque là. Vous êtes son dernier espoir.

-Et alors ? On meurt tous un jour ou l'autre.

Sur ces mots prononcés sans la moindre émotion, le docteur se leva et bouscula Mal pour aller se débarbouiller dans une bassine de métal posée sur un meuble. Mal aurait été tenté de sortir son arme et d'abattre l'odieux personnage sur place s'il n'avait pas vu une petite lueur dans son regard juste avant qu'il se détourne. L'homme était moins indifférent qu'il voulait le para?tre et cela ne voulait pas dire qu'on pouvait le convaincre. Faisant trois pas, il saisit le bras du docteur.

-?coutez doc, je sais pas si c'est une question d'argent ou d'autre chose, mais je suis prêt à payer le prix que vous voulez. Si vous désirez quitter cette planète, je vous offre le voyage vers où vous voulez. Si vous avez besoin d'une livraison de médicaments ou de quoi que ce soit pour votre petite communauté, je m'en charge. Mais vous allez venir avec moi.

D'un geste brusque, l'homme arracha son bras à Mal et lui tourna à nouveau le dos.

-Vous ne m'avez pas entendu ? Je ne peux rien pour vous !

Il y avait dans ce cri une souffrance qui n'était que trop familière à Mal et il comprit ce qu'il avait vu un instant plus t?t dans le regard du docteur. C'était le regard qu'il voyait dans son miroir certains matins au réveil. L'homme se faisait horreur à lui-même et il avait peut être des raisons valables de le faire et de s'enfermer sur cette planète pauvre et isolée. Mal n'allait pas pour autant le laisser s'en tirer.

-Vous avez prêté serment d'aider les personnes en danger non ? Alors vous aller venir aider ou je vous y contrains, c'est à vous de choisir.

Le docteur renifla avec mépris et s'éloigna de Mal, avec l'intention manifeste d'aller se recoucher. Sans hésiter, Mal saisit son pistolet et en asséna un coup sur la tempe du jeune homme qui s'effondra sans bruit entre ses bras. Il ne lui restait plus qu'à trouver un moyen de le tra?ner à bord de Serenity.

La porte s'ouvrit à nouveau à la volée, laissant passer Kaylee et Wash, tous deux à bout de souffle. Ceux à qui ils avaient parlé n'avaient pas été plus coopératifs que la femme qu'avait rencontré Mal pour qu'ils arrivent si longtemps après lui. Ils se figèrent en voyant l'homme au sol et Mal l'arme à la main.

-Le docteur n'était pas des plus coopératifs, expliqua-t-il brièvement tout en rangeant son arme, mais je crois l'avoir convaincu.

-Parfait.

Wash jeta un regard noir au docteur et le saisit assez brutalement par les épaules tandis que Mal attrapait ses jambes. Kaylee leur tint la porte pour leur permettre de passer, jetant au passage un coup d'?il peu amical à l'homme inanimé, puis courut à nouveau vers Serenity pour prévenir de leur arrivée et de la bonne nouvelle. Chargés comme ils l'étaient, Wash et Mal la suivirent plus lentement, plus remontés à chaque instant contre le manque de coopération du docteur qui leur faisait perdre des minutes précieuses. Tandis qu'ils remontaient la rue, plusieurs rideaux se soulevèrent pour les regarder passer, mais personne ne sortit pour protester contre ce qui ressemblait à l'enlèvement de leur docteur. L'homme n'avait pas du se faire beaucoup d'amis dans cette petite communauté. Il commen?a à se réveiller à mi-chemin et se débattit aussit?t. Après un échange de regard fugace, ses deux porteurs le jetèrent au sol et Mal sortit son pistolet pour le lui braquer sur la tempe.

-?coute-moi bien doc, parce que je ne me répéterait pas. Tu peux grimper dans ce vaisseau et soigner mes blessés volontairement et repartir dans le même état où tu y es rentré. Sinon, tu peux refuser, mais alors je t'y forcerais et je te garantis que tu n'en sortiras qu'avec une balle dans la tête. Comment préfère tu faire ?

Le docteur lui lan?a un regard mauvais et sembla hésiter, mais ne protesta pas quand ils le saisirent chacun par un bras et l'entra?nèrent vers Serenity. Il eut un dernier moment de recul juste avant de monter à bord et Mal le poussa sans ménagements jusqu'à l'infirmerie. ? peine fut-il entré que son comportement changea du tout au tout. Quelques instants plus t?t, sa posture était, pas tout à fait avachie, mais celle d'un homme abattu et rétif. Mal la trouvait particulièrement déplaisante. En instant, le docteur se redressa, son regard se fit plus vif et sa voix plus assurée.

-De quand datent les blessures ?

-De quelques heures, répondit le pasteur en se relevant du siège où il était assis. Elle a une perdu beaucoup de sang, une commotion cérébrale je pense et sa respiration m'inquiète.

Le docteur s'avan?a et s'empara de la main droite de Zoé dont il regarda le bout des doigts avec attention avant de soulever ses cheveux pour examiner ses oreilles et enfin de soulever une de ses paupières pour regarder la pupille.

-Perforation du poumon et traumatisme cr?nien, murmura-t-il pour lui-même plus que pour l'assistance. Que lui est-il arrivé ?

-Pas de questions inutiles. Vous pouvez la soigner ?

Le docteur jeta un regard inquisiteur à Jayne qui était toujours assis à la même place, blême et ensanglanté puis au pasteur avant d'aller fouiller les tiroirs. Il grima?a en en voyant le contenu mais commen?a à réunir des instruments puis se lava les mains. Il finit par relever la tête, ferma les yeux une seconde, la souffrance clairement visible sur son visage puis se retourna vers eux.

-J'ai besoin d'un assistant. Pasteur ?

-Je suis à votre service, déclara celui-ci en faisant un pas en avant.

Le docteur remplit une seringue et la lui tendit en pointant Jayne de l'autre main.

-Endormez celui-là, je préfère éviter de le déplacer mais je ne le veut pas dans les pattes pendant que j'opère.

Jayne essaya bien de protester, mais Book lui planta l'aiguille dans le bras sans aucune hésitation voire même un petit plaisir jouissif et le mercenaire s'écroula le long du mur. Le docteur s'en approcha pour vérifier son pouls et qu'il ne saignait pas à mort, puis se tourna vers les autres.

-En quoi peut-on aider maintenant que vous êtes disposé à faire votre boulot ?, demanda Mal.

-En sortant d'ici, rétorqua le docteur.

-Vous ne pouvez pas me faire sortir d'ici, protesta Wash, je suis son mari.

-Je peux et je vais le faire. La dernière chose dont elle a besoin c'est que vous vous évanouissiez ou vomissiez pendant l'opération. Dehors.

? contrec?ur, mais d'accord sur le fond, Mal saisit Wash à bras le corps et l'escorta hors de l'infirmerie pour l'asseoir de force sur un des canapés dans l'espace de repos. D'un regard, il ordonna à Kaylee de l'empêcher de se lever. Les lèvres pincées dans un effort désespéré de ne pas se remettre à pleurer, la mécanicienne s'assit à ses c?tés et le prit dans ses bras. Ce fut alors Wash qui s'effondra et se mit à pleurer silencieusement sur son épaule, vite rejoint par la jeune fille. Mal, lui, ne pleura pas. Il ne s'en sentait pas le droit, pas alors qu'il avait entra?né Zoé et Jayne avec lui alors qu'il aurait du sentir l'atmosphère tourner à l'orage. La porte de l'infirmerie s'était fermée dans leur dos, aussi se pla?a-t-il à la fenêtre pour observer. Le docteur le vit alors qu'il finissait de préparer ses instruments et fit un geste pour occulter le hublot. Book l'arrêta en murmurant quelque chose qui fit froncer les yeux au docteur. Finalement, il haussa les épaules et finit ses préparatifs. Mal n'était pas s?r de faire confiance à cet homme, mais l'incertitude avait disparu de ses yeux. Désormais, il agissait en professionnel consciencieux et efficace. Il n'y avait plus qu'à espérer qu'il soit doué. Maintenant qu'il avait un docteur sous la main, Mal enrageait de ne pas savoir d'où il venait et quelles étaient réellement ces compétences. L'homme pouvait avoir abouti sur Aberdeen après avoir été chassé pour incompétence ou pour être arrivé en salle d'opération en état d'ébriété. Ses mains ne tremblaient pas et Mal ne se rappelait pas avoir vu de bouteilles dans sa maison. C'était déjà ?a.

L'opération commen?a.

Mal serait à tout jamais incapable d'oublier ce qu'il avait ressenti les longues heures passées debout à cette fenêtre, à devoir aboyer à Wash de rester assis tout en n'ayant lui-même qu'une envie, celle de forcer la porte de l'infirmerie pour exiger de savoir si Zoé s'en sortirait. La plupart du temps, les corps du docteur et du pasteur lui cachaient ce qu'ils faisaient mais Mal avait vu suffisamment d'opérations après une bataille pour deviner la gravité de la situation et avoir des images bien trop vivaces en tête. Enfin, le docteur se redressa et alla enlever ses gants et laver ses mains dans l'évier. Book s'appuya au mur, les jambes tremblantes. Le plus doucement possible, pour ne pas être entendu de Wash et Kaylee, Mal toqua doucement à la fenêtre pour attirer son attention. Quand Book eut redressé la tête, il articula silencieusement une question, mais le pasteur hocha négativement la tête. Le sort de Zoé était toujours incertain.

Le docteur but de longues gorgées d'eau avant de s'asperger le visage et de respirer de grandes goulées d'air. De là où il se tenait, Mal pouvait voir son visage, mais il ne parvint pas à déchiffrer son expression. Finalement, le docteur enfila de nouveaux gants et, tout en parlant au pasteur, s'approcha du corps inanimé de Jayne au sol. Ils discutèrent un moment, leurs regards allant de Zoé sur le lit à Jayne, discutant probablement de l'opportunité de déplacer Zoé pour opérer Jayne. Ils finirent par décider que c'était encore trop risqué et opérèrent Jayne à même le sol. Ils tournaient à nouveau le dos à Mal, mais celui-ci pouvait voir le docteur déposer dans un récipient chaque fragment qu'il enlevait du bras ou de la jambe de Jayne. Il les compta, horrifié. L'Alliance s'était trouvé une belle horreur à utiliser.

Les minutes continuèrent à s'écouler, lentes comme des siècles, tandis que le docteur finissait d'opérer. Quand il se redressa enfin, Mal appela Kaylee auprès de lui.

-Ils auront faim quand ils sortiront de là. Va leur préparer quelque chose de chaud à manger et à boire. Descend un peu d'alcool aussi. Ils en auront peut être bien besoin.

Kaylee opina de la tête et monta d'un pas lent jusqu'à la cuisine. Mal la suivit du regard, songeur. Il ne l'avait pas renvoyée seulement pour rendre service aux deux hommes. S'il y avait une mauvaise nouvelle à annoncer, il voulait en protéger la jeune fille. C'était absurde peut-être, car elle l'apprendrait juste après, mais il ne pouvait s'empêcher de se sentir mieux à l'idée qu'elle vivrait encore une ou deux minutes de plus sans être inconsolable. Il jeta un coup d'?il à Wash, s'attendant à ce que celui-ci réagisse, mais le pilote restait assis, le dos droit et ses yeux secs fixés sur la porte. On le sentait prêt à bondir, mais incapable de réagir tant que la porte ne s'ouvrirait pas. Rassuré de ce c?té-là, Mal reporta son attention sur l'intérieur de l'infirmerie. Le pasteur finissait d'essuyer sommairement les taches de sang sur le sol pendant que le docteur vérifiait l'état de santé de Zoé. Ses épaules se rel?chèrent finalement et il enleva sa veste maculée de sang et ses gants pour les jeter à la poubelle. Il s'approcha du hublot où se tenait Mal et y regarda son reflet, bougeant la tête de gauche à droite. Il enleva une trace de sang sur son front puis croisa enfin le regard de Mal, pour la première fois depuis son arrivée sur Serenity. Son regard ne dévoilait rien, mais il fit signe à Mal qu'ils pouvaient rentrer.

Celui-ci n'attendait que cela. Il se précipita vers la porte. Wash, comprenant que tout était finit, s'empressa de l'ouvrir et en trois enjambées fut auprès de Zoé, toujours inanimée. Il tendit les mains comme pour l'embrasser, mais en la voyant si p?le, n'osa même pas la toucher et se tourna vers le docteur.

-Elle s'en sortira doc ?

-Je l'espère. Elle a perdu beaucoup de sang, malgré cette transfusion que vous lui avez faite. Une autre au moins sera nécessaire je pense. Le pneumothorax a été évité juste à temps et c'est l'essentiel pour le moment. Aucun organe vital n'a été touché et elle respire à nouveau sans problème.

-Alors pourquoi ne se réveille-t-elle pas ?

-Elle est encore inconsciente car je l'ai endormie pour l'opération, mais devrait se réveiller naturellement d'ici une heure je pense. Nous pourrons alors évaluer la gravité du coup qu'elle a re?u à la tête. J'ai fait ce que j'ai pu de ce c?té, le reste... le reste dépends d'elle.

Rassuré, même momentanément, Wash se détourna du docteur pour caresser doucement le visage de Zoé. Le pasteur le rejoignit pour lui apporter le soutien qu'était incapable de lui offrir Mal, trop submergé par la culpabilité. Se sentant de trop, le docteur quitta l'infirmerie, suivi par le regard de Mal mais à peine eut-il passé la porte qu'il vacilla et du s'agripper au mur pour ne pas tomber. Mal le rejoignit et le saisit par le bras pour le conduire jusqu'au canapé.

-Attendez-ici, lui ordonna-t-il tout en commen?ant à grimper l'escalier.

Une remarque du docteur lui fit tourner la tête.

-Laissez-moi juste reprendre mon souffle et je serais hors de vos jambes. ? moins que vous ne préfériez me tirer cette balle dans la tête.

Il y avait une telle lassitude dans cette voix que Mal fron?a les sourcils. L'homme avait presque l'air d'espérer cette balle. Sans un mot, il monta jusqu'à la salle à manger à la recherche de Kaylee, un peu remonté contre elle. La jeune fille aurait déjà du redescendre avec ce qu'il lui avait demandé et il ne comprenait pas ce qui la retenait là haut alors qu'il était urgent de nourrir tous ceux qui étaient encore en bas.

Kaylee n'était pas en train de chauffer de l'eau ni de préparer un repas. Assise au pied du comptoir, la tête entre les jambes, elle pleurait à chaudes larmes. Dès qu'il la vit, Mal oublia sa colère et se précipita vers elle.

-Enfin Kaylee qu'y a-t-il ?

Relevant vers lui ses yeux pleins de larmes, elle se jeta dans ses bras.

-Zoé est morte n'est-ce pas ?

Un nouveau sentiment de culpabilité étreignit Mal. Il avait t?ché de préserver Kaylee en la faisant monter, égo?stement, sans se rendre compte qu'elle allait forcément sauter sur la pire conclusion possible et qu'il l'avait laissé souffrir toute seule pendant de longues minutes.

-Zoé est vivante, jura-t-il tout en l'aidant à se relever, et elle a de bonnes chances de s'en sortir. Va la voir, je m'occupe de tout.

Soulagée, Kaylee essuya ses larmes et redescendit. D'un coup, son pas s'était fait plus guilleret. Mal remplit rapidement un broc d'eau, saisit une bouteille d'alcool, une grosse miche de pain et redescendit. Il serait toujours temps de préparer quelque chose de plus consistant plus tard, une fois la pression retombée et les appétits réveillés. Pour l'instant, Mal voulait juste parer au plus pressé.

Le docteur s'était relevé pendant sa courte absence. Il regardait à travers la porte de l'infirmerie Wash et Kaylee rire doucement en entendant les grognements de Jayne qui se réveillait, outré d'être allongé sur le sol. Son regard était celui d'un homme qui se languissait de ce qu'il avait sous les yeux, parce qu'il l'avait perdu. Mal eut d'un coup pitié de lui. Il ne savait pas qui le docteur avait perdu, depuis combien de temps et à cause de quoi, mais cet homme là n'avait plus rien et ne s'accrochait à la vie que par habitude. Il avait été comme cela, Zoé aussi. Après Serenity Valley. Avant Serenity.

Le docteur sentit le regard de Mal posé sur lui et se détourna de la scène qu'il fixait. Son visage se durcit et ne dévoila plus rien. Pourtant, Mal savait désormais qu'il n'était pas indifférent. Il se for?ait seulement à l'être pour ne pas sombrer dans le désespoir. Combien de fois lui-même avait-il été tenté de prendre son pistolet et d'en finir ?

Il tendit son plateau au docteur.

-Tenez. J'imagine que vous avez bien besoin de ?a pour vous remettre d'aplomb.

-Je vous remercie.

Il avait un accent particulier et sa fa?on de parler trahissait son origine. L'homme était né et avait grandi sur les planètes centrales. Son histoire devait être intéressante.

Le docteur tint un instant son plateau comme s'il ne savait qu'en faire et réfléchissait à partir le plus vite possible, puis finit par le poser sur la table. Il s'assit et se servit un verre d'eau. Mal le rejoignit et arracha deux morceaux de pain à la miche, qu'il partagea entre eux.

-Zoé a eu beaucoup de chance de vous avoir.

-Remerciez le pasteur, répondit le docteur en haussant les épaules. Il a réussi à la garder en vie là où beaucoup n'auraient pas su que faire.

-Je l'avais bien compris. L'homme est utile, quand il ne s'en remet pas qu'à sa foi.

-Cynique ?

-Pas vous ?

Le docteur eut un petit rire dépréciateur mais ne répondit pas. Mal attrapa la bouteille d'alcool et y but directement quelques longues gorgées.

-Vous ne les rejoignez pas ?, demanda le docteur en désignant l'infirmerie.

-C'est ma faute s'ils sont là.

-Est-ce votre avis, ou le leur ?

-Le mien. Zoé me tuera si elle m'entends dire ?a. Maudite Alliance.

Ces deux derniers mots avaient échappé à Mal malgré lui. Le docteur lui jeta un regard inquisiteur, mais ne posa aucune question.

-On dirait que c'est une forte femme. J'espère de tout c?ur qu'elle s'en sortira. Sa longue inconscience est la seule chose qui m'inquiète réellement, mais ses chances sont bonnes. Vous n'aurez plus qu'à vous arranger qu'elle et votre autre ami évitent les ennuis pendant quelques temps.

-Je ne fais pas faire de promesses que je ne suis pas s?r de pouvoir tenir, doc. La malchance nous colle à la peau depuis quelques temps.

-Simon, répondit l'homme en lui tendant la main.

-Mal. Vous resterez jusqu'à son réveil ?

Simon sourit faiblement.

-Vous l'avez dit vous même, j'ai prêté serment. Et si je commence à le briser, je n'aurais plus rien. Je resterais jusqu'à ce qu'elle se réveille et je vous préparerai un programme de repas et d'activités pour h?ter leur convalescence à tous les deux. Je ne peux pas vous faire d'ordonnance, mais je vous ferais une liste de ce que vous feriez bien de vous procurer pour accélérer sa guérison, médicaments, bandages... et quelques petites choses qui pourraient être utiles à votre infirmerie.

C'était plus que n'espérait Mal, surtout après la fa?on dont ils avaient d? traiter Simon pour le faire consentir à apporter son aide. Il se posait de plus en plus de questions sur le jeune homme.

-Merci doc, finit-il par remercier avec sincérité. Je sais qu'on est parti du mauvais pied vous et moi, mais ma proposition tiens toujours. Si vous avez besoin de matériel ou d'un transport, contactez-nous. On vous revaudra ?a.

-Je n'ai besoin de rien, répondit Simon, presque avec hauteur.

Pour un jeune homme originaire des planètes centrales, il était tombé bien bas. ?tre redevable à de petits contrebandiers comme les gens du Serenity devait lui être pesant. S'il vivait longtemps sur la Bordure, il devrait bien finir par s'y habituer. On ne lui en laisserait de toute fa?on pas le choix.

Mal finit son morceau de pain, soupira et se leva.

-N'hésitez pas à utiliser le canapé pour dormir un instant doc. Je vous réveillerais si Zoé et Jayne ont besoin de votre expertise.

Avec soulagement, Simon se laissa tomber sur le canapé et s'endormit immédiatement. Jusque là, Mal n'avait pas remarqué les cernes sous ses yeux. L'homme n'avait pas du dormir beaucoup ces derniers temps. Trop de soucis, de regrets et de temps libre sans doute. Il en allait ainsi pour Mal. Serenity Valley n'en avait pas fini avec lui, ne le laisserait jamais tranquille.

Le léger rire de Kaylee le ramena à l'instant présent. Il ferma les yeux et respira profondément pour trouver le courage d'affronter ses erreurs et pénétra dans l'infirmerie. Le petit sourire fatigué et exaspéré de Zoé l'accueillit.