Simon soupira et s'étira. Il s'ennuyait terriblement. Deux mois plus t?t, il pensait que la vie de contrebandiers était plus excitante que ?a. ? part les désastreux accidents d'Aesir et de la panne qui avait manqué de tuer Mal et Kaylee, il restait désespéramment inactif. Tant mieux, d'un certain c?té. Ils avaient un nouveau catalyseur, les derniers boulots qu'avait accepté Mal avaient été plut?t rentables. Ils s'en sortaient bien.

Le pasteur leva le nez de son livre.

-Commenceriez-vous à trouver le temps long, Simon ?

-Un petit peu, confessa-t-il. Trois jours sans pouvoir mettre le nez dehors, c'est long.

Ils avaient atterris sur New Melbourne pour se ravitailler et chercher du travail. La planète avait l'air terriblement agréable, avec ses océans et sa brise légère. Kaylee avait passé les trois derniers jours à se dorer au soleil près du vaisseau. Malheureusement, la planète accueillait aussi un certain nombre d'avant postes de l'Alliance. Simon n'osait pas prendre le risque de mettre le nez dehors. Cela attristait Kaylee qui aurait voulu l'emmener au bord de la mer, mais Zoé et Mal étaient de son c?té. Des patrouilles passaient régulièrement près de Serenity.

-Courage. D'ici quelques jours nous devrions être sur une planète de la bordure. Vous pourrez faire un peu d'exercice.

Il soupira à nouveau.

-D'ici là, je peux toujours m'occuper avec les t?ches domestiques. C'est encore mon tour de cuisiner je crois.

Le pasteur rit doucement.

-Ce sera le cas jusqu'à ce que vous appreniez à tricher contre Jayne et Wash.

L'idée de tricher gênait profondément Simon, mais le pasteur avait raison. Il devait apprendre à vivre comme ces gens. Il détonnait trop et c'était pour ?a que les autres rechignaient à le voir quitter Serenity. Il devait apprendre à marcher, jurer, mentir, tricher comme un gars de la bordure. Mais que c'était difficile d'abandonner les derniers vernis de civilisation qui lui restaient.

Il finit quand même pas se lever et faire le tour du comptoir pour réfléchir au repas qu'il pouvait bien préparer. Le sentant perdu, Kaylee éclata de rire et bondit sur ses pieds pour l'aider.

-Je vais te montrer une recette de par chez nous.

-Merci, souffla-t-il.

-Oh, c'est juste que je tiens à avoir quelque chose de mangeable sur la table ce soir.

Simon se retint de s'excuser en expliquant qu'il n'avait jamais eu à cuisiner lui-même. Kaylee était vite vexée quand il lui rappelait qu'il avait connu toute sa vie le confort et la civilisation. Il détestait vexer Kaylee. Elle faisait tellement d'efforts pour qu'il se sente chez lui ici. Personne ne remplacerait jamais River mais il était touché de voir comment sa manière de le materner était proche de celle de sa s?ur.

Il s'écarta quand elle vint lui montrer comment tout mettre en place et s'effor?a d'ignorer la douleur de la perte de River. Travailler aidait, que ce soit à la cuisine ou à l'infirmerie. Kaylee lui avait même proposé de l'initier à la mécanique, mais il avait refusé. Pas par peur de se salir les mains, comme le prétendait Jayne, mais parce qu'il ne pouvait se permettre d'ab?mer ses mains de chirurgien. Elles étaient son unique gagne pain. D'ailleurs, il ne voyait pas le mercenaire proposer à Kaylee de l'aider.

Simon essayait d'aider, mais à part à l'infirmerie, il ne servait pas à grand chose. Il ne savait pas tirer, pas piloter, pas réparer des machines, pas cuisiner... Il n'était qu'un bon à rien des planètes centrales en dehors de son champ d'action. Cela lui minait le moral. Désormais, Simon se sentait bien accueilli par l'équipage et il voyait bien qu'il essayaient de l'aider à trouver sa place parmi eux. Malgré tout, il lui semblait qu'il ne faisait pas sa part et qu'il restait un poids. River aurait trouvé sa place immédiatement. Elle saurait déjà comment tout fonctionnait, hommes et machines. Lui nageait dans le brouillard.

Le regard triste de Kaylee lui appris que son esprit avait à nouveau divagué, et pas dans une direction agréable. Il secoua la tête et se for?a à lui sourire et à se concentrer sur sa recette.

Bient?t, la bonne humeur de Kaylee étant toujours aussi communicative, il se mit à rire avec elle de son incapacité à doser correctement les ingrédients.

En-dessous, ils entendirent des bruits de pas puis de discussions dans le hangar. Books, qui les regardait faire d'un air amusé, se redressa sur son fauteuil.

-Les voilà. Avec un peu de chance, ils auront trouvé du travail et vos v?ux seront exaucées, doc.

-J'espère !, ajouta Kaylee. Ce serait bien de voir un peu de nouveaux paysages, et de nouvelles têtes. J'adore la mer, mais cela fait longtemps qu'on a pas vu de montagnes, ou participé à une fête.

Simon sourit devant son enthousiasme. Pour lui, toutes les planètes se valaient tant que l'Alliance n'y était pas présente.

Un bruit de course dans la coursive les poussa à arrêter ce qu'ils faisaient. Cela ne pouvait pas être bon signe. Zoé entra dans la cuisine et chercha Simon du regard.

Celui-ci s'essuya aussit?t les mains et respira profondément.

-Il y a un problème ? Quelqu'un de blessé ?

-Non, rien de tout ?a, mais il faut que tu me suives, doc, et en silence. Si tu as des affaires dans la pièce, prends-les. Pas le temps de t'expliquer.

Simon n'avait que sa veste, qu'il avait laissée sur une chaise pour éviter de la t?cher. C'était son dernier vêtement à peut près convenable. Ensuite, il n'aurait plus qu'à s'habiller comme tout le monde autour de lui et il perdrait un des derniers fragments de son identité.

Les mains tremblantes, il réussit à offrir à Kaylee un sourire rassurant et suivit Zoé. Après être sortie de la cuisine, elle lui fit signe d'attendre, se pencha pour scruter le hangar, et après seulement, l'autorisa à la suivre.

La coursive en métal était affreusement bruyante en temps normale. Quand il y mit les pieds, il sembla à Simon que c'était mille fois pire. ? mi chemin, il osa jeter un regard en dessous, mais le hangar était vide, à l'exception de Jayne qui se tenait de manière indolente contre la porte menant vers l'infirmerie et les chambres des passagers. Il barrait la vue à Simon.

-Dépêche-toi, doc,

Il obéit et suivit Zoé. Elle ne le conduisit pas à la passerelle, comme il en avait d'abord eu l'impression, mais aux chambres de l'équipage, et ouvrit celle du capitaine.

-Descend, et reste parfaitement silencieux.

-Que se passe-t-il ?

-Pas le temps d'en discuter, obéit.

Zoé n'était pas une femme émotive d'ordinaire. Aussi, quand Simon per?u l'urgence dans sa voix, il obtempéra sans plus protester. Dès qu'il fut en bas, la porte se referma et il entendit Zoé s'éloigner, puis plus rien.

Il s'effondra au pied de l'échelle. Son c?ur battait à toute allure et sa poitrine lui faisait mal, comme si elle était compressée. Son c?ur battait si fort qu'il le sentait jusque dans ses tempes. Vertiges, sueur, palpitation... Oui, il faisait une crise de panique, presque tous les signes étaient là. Il se for?a à contr?ler sa respiration, tout en notant avec un détachement clinique la vitesse à laquelle il retrouva son sang froid et la difficulté qu'il avait à se concentrer. Cela pourrait aider un patient, un jour.

Finalement, son pouls se remit à battre normalement, mais Simon découvrit qu'il n'avait pas la force de se lever. Il garda les yeux fermés mais se dépla?a pour s'asseoir contre le mur. Le froid de celui-ci lui fit du bien. Des scénarios angoissants passaient dans son cerveau. Il ne pouvait s'?ter de la tête l'idée qu'ils l'avaient enfermé ici pour qu'il ne s'échappe pas avant que l'Alliance ne vienne l'arrêter.

? peine commen?ait-il à se calmer qu'il entendit marcher au-dessus de sa tête. Il compta trois, peut être quatre personnes, qui s'arrêtèrent brièvement juste à la porte du capitaine. Il y eut un bruit de conversation étouffée, puis ils repartirent. Simon compta une personne seule allant vers le poste de pilotage tandis que les autres partaient dans l'autre direction.

Quelques minutes plus tard, le vaisseau vibra sous l'effet des moteurs qui s'allumaient et ils décollèrent.

Simon n'osa pas sortir pour autant, même pour jeter un coup d'oeil furtif. Il avait l'impression de sentir l'Alliance se faufiler derrière son dos. Même l'air de la pièce semblait plus vicié de minute en minute.

Un long moment s'écoula, peut être une heure, peut être trois. Ils étaient définitivement dans l'espace maintenant. Quoi qui se passe à bord, il pouvait se passer des heures avant qu'on ne vienne le libérer. Simon allait devenir fou s'il restait immobile, à imaginer le pire. Il se for?a à se redresser et regarda autour de lui avec curiosité.

C'était la première fois qu'il voyait les quartiers du capitaine. Kaylee l'avait quelquefois invité dans sa chambre pour discuter mais c'était tout. La chambre de Mal était très différente. Plus spacieuse, pour commencer et terriblement fonctionnelle. Malgré tout, elle révélait quelques petites choses de son propriétaire. Trop de choses, sans doute, du point de vue de Mal. C'était pourquoi il ne laissait sans doute jamais personne y rentrer. Il y avait quelques calligraphies, une petite plante en pot, un morceau de rocher et la copie d'une très ancienne carte de la Terre-qui-a-été. Des photographies écornées et jaunies par les années. Des choses très simples mais qui devaient être très personnelles. Simon se refusa d'essayer d'interpréter chaque élément. Cela lui semblait irrespectueux. Il avait l'impression de violer l'intimité de Mal juste en étant là.

On marcha à nouveau au-dessus. Simon se figea, chercha un endroit où se cacher, mais en vain. Il n'y avait pas de recoin dans cette pièce soudain minuscule.

Un soupir de soulagement lui échappa quand il reconnut les bottes de Kaylee en haut de l'échelle. Il se précipita vers elle et tendis les mains pour l'aider, mais au lieu d'accepter son aide, elle lui tendis son sac de vêtements. Un peu surpris, il l'accepta et le posa par terre. Pendant ce temps, elle remonta de quelques marches avant de redescendre avec sa trousse de docteur.

-Que se passe-t-il ?, chuchota-t-il en la lui prenant des mains.

-Pas le temps, tu dois attendre que le capitaine aille se coucher, lui expliqua-t-elle à toute vitesse. Il t'expliquera. Ne fais pas de bruit, n'utilise pas d'eau, ne fait rien.

Elle jeta un regard inquiet en haut, lui adressa un sourire rassurant et repartit aussi vite qu'elle était venue. La trappe se referma.

-Je ne me sens pas très rassuré, déclara-t-il à l'échelle.

Il grima?a en sentant à quel point il avait l'air ridicule.

Kaylee avait dit de ne pas faire un bruit. Le plus silencieusement possible, il fit deux allez retour entre le lit et le bas de l'échelle pour déplacer ses sacs, puis les vida sur le lit. Il avait confiance en Kaylee bien s?r. Mais pas en Jayne.

Toutes ses affaires étaient là, mais fourrées en vrac. N'ayant rien d'autre à faire, et parce qu'il détestait le désordre, il défroissa autant que possible chaque chemise et chaque pantalon pour les ranger. Il dut ensuite faire de même avec sa trousse. Heureusement, rien n'était cassé.

Après ?a, il n'y avait plus rien à faire qu'attendre. Simon était dans un tel état de nervosité qu'il faillit se mettre à ranger la chambre, juste pour avoir quelque chose à faire, n'importe quoi. Mais même un idiot comme lui pouvait réaliser que quelqu'un comme Malcom Reynolds n'aprécierait pas qu'on touche à ses affaires, même s'il y avait une couche de poussière étonnante à certains endroits. Il finit par s'allonger sur le lit, persuadé qu'il ne trouverait jamais le sommeil.

Seul le bruit de la trappe s'ouvrant une nouvelle fois le réveilla. Au final, sa nervosité était si importante que dès qu'il s'était allongé, son cerveau avait décidé de s'éteindre pour le forcer à récupérer. Le corps humain était décidément une chose fantastique.

Mal referma la trappe et soupira.

-Tu as pu dormir un peu ? Tant mieux.

Simon sauta presque hors du lit.

-L'épuisement m'y a aidé. Que se passe-t-il là haut ?

Mal l'ignora le temps d'enlever ses bottes et de se rafra?chir au lavabo.

-Que conna?t-tu des règles du vol spatial ? Pas grand chose j'imagine.

-?a ne fait pas vraiment partie du curriculum pour devenir docteur, donc rien du tout.

-Sur un vaisseau contrebandier comme ailleurs, quand l'Alliance dit de sauter, on saute. Des fois, l'Alliance n'a pas le temps ou l'envie d'affréter spécialement un vaisseau, alors elle réquisitionne. ? la minute où Zoé nous as trouvé une cargaison à conduire sur Coldstone, des fédéraux ont rappliqué et réquisitionné Serenity.

-Dans quel but ?

-Rien à voir avec toi, rassure toi de suite. Ils envoient un des leurs en tournée d'inspection sur les planètes et lunes en cours de terraformation autour de Fury. La région du Soleil Bleue est pleine de planètes en terraformation et d'autres colonisées, mais certainement pas civilisées. Ce type est puni, sinon ils lui auraient confié un vaisseau et une protection. Le problème, c'est qu'on est puni avec lui : on en a pour quatre ou cinq jours à faire sa tournée.

-Tant que ?a !

Simon retomba sur le lit. Mal se retourna pour lui adresser un regard compatissant.

-Oui. Plus le temps du voyage aller et retour... Tu en as pour presque quinze jours d'enfermement complet en bas. On pourra te laisser sortir que lorsqu'il sera en train de faire son travail d'inspecteur. Désolé.

-Ce n'est pas de votre faute, répondit Simon machinalement.

Il avait envie de hurler et de tempêter, mais cela n'aurait servi à rien.

-Non, et il va falloir être absolument discret. Ce gars ne m'a donné l'air d'être un fouinard, mais après dix jours à bord d'un vaisseau, tout le monde est tenté d'en explorer les recoins. ?a veut dire qu'il y a des règles à mettre en place.

Simon hocha la tête.

-Allez-y.

-Pas de sortie, bien s?r. Pas de bruit. Tu ne peux utiliser l'eau que quand je suis là et ne grimace pas parce que je suis à la même enseigne. Toilette au lavabo uniquement. On te fera sortir prendre une douche à la première occasion.

-Merci bien.

Mal eut l'indulgence de ne pas relever son grincement de dents. Il poursuivit.

-Tu veux dormir dans un lit, c'est pendant que je travaille. Sinon, ce sera sur le sol. On te fera passer en contrebande un oreiller et des couvertures les prochains jours. Au cas où ce Hayne vienne jeter un coup d'?il, rien ne doit attirer son attention. Tu ne peux pas te répandre partout. Ce que tu n'utilise pas au moment même est dans une cachette ou sous le lit.

Joignant le geste à la parole, il tira de sous celui-ci une valise en métal qu'il mit à l'écart.

-Il y a la place pour un homme pas trop épais, ce que tu es, par chance. Tu entends du bruit, tu roules là dessous. Je laisserai chaque matin la couverture dépasser des deux c?tés pour améliorer la cachette. Tu peux garder la lumière allumée bien s?r.

-Bien s?r.

-Chaque fois que je peux, je viendrais faire une sieste. Cela te permettra d'utiliser l'eau et de bouger un peu plus. Surtout, ce sera comme ?a qu'on te nourrira. Demain, je te descend une carafe d'eau. Tu placera aussi une couverture au bas de l'échelle. Quand il le pourra, Wash fera tomber une barre énergétique pour te permettre de tenir le coup. Des questions ?

Simon soupira et posa ses mains sur le lit pour les empêcher de trembler.

-Pas vraiment. J'essaie encore de me remettre de l'idée de devoir passer dix jours dans huit mètres carrés.

-Ce n'est pas l'idéal, mais c'est mieux que rien. On n'a pas vraiment eu le temps d'improviser et j'aurais pu te mettre avec Jayne. Je peux encore le faire.

-Merci de ne rien en faire.

-Je me doutais que tu dirais ?a.

-Juste une chose. Kaylee m'a descendu ma trousse, mais i l'infirmerie quelques instruments ou médicaments qu'un vaisseau comme Serenity n'auraient jamais en temps normal. Si prudence est mère de s?reté...

-Mieux vaut les cacher ici, oui. Tu me feras une liste avec une description détaillée. Si ce n'était pas posé en évidence aujourd'hui, je le redescend demain. Et maintenant, j'ai d? lécher les bottes d'un officier de l'Alliance pendant des heures. Fais ce que tu as à faire et on éteint.

-.-.-

Les jours suivants furent très durs. Même à l'université, Simon n'avait pas eu à cohabiter avec un autre étudiant. L'argent de son père lui permettait d'avoir un appartement de quatre vingt mètres carrés avec terrasse donnant sur les jardins du campus. ? l'époque, Simon était tellement habitué à l'indécente richesse de sa famille que les premiers temps, il avait même trouvé l'appartement un peu trop exigu à son go?t.

Ce temps là lui manquait chaque jours plus cruellement.

Simon aurait été bien en peine de dire ce qui était le plus dur à supporter : les interminables heures passées tout seul ou les moments où il devait partager l'espace avec Mal. Dans le premier cas, l'immobilité, le silence, l'incapacité de faire quoi que ce soit le tuaient à petit feu. Dans le deuxième cas, c'était le bruit qui le rendait fou. Dans une petite cabine comme celle-là, aux murs et plancher de métal, le moindre son résonnait si longtemps que Simon avait envie de hurler. Le temps qu'il ne passait pas à dormir, il le passait à se ressasser la liste des choses insupportables dans son enfermement. Certains jours, c'étaient le bruit, d'autres le silence, mais très souvent, c'était cette odeur de renfermé et de sueur qui s'exacerbait de jour en jour.

Il dormait beaucoup. Il n'y avait rien d'autre à faire. C'était en tout cas mieux que de rester seul avec ses pensées car, éveillé, Simon pensait à River presque en permanence. De toute manière, il préférait dormir le jour, dans le lit. La nuit, le moindre reniflement de Mal, le moindre mouvement le réveillait et ensuite, le froid et la dureté du sol se chargeaient de l'empêcher de se rendormir.

Les autres essayaient d'aider, comme ils pouvaient. Deux fois chacun, Kaylee et Wash avaient passé la tête par l'entreb?illement pour lui adresser quelques mots de soutien. Quand au claquement de talons contre la porte, Simon était presque s?r que c'était la manière qu'avait Zoé de lui dire de tenir bon.

Quatre jours seulement avaient passé. Pour Simon, c'était quatre mois.

-Tu tiens le coup ?, fut la première chose que demanda Mal en descendant ce soir là.

Contrairement aux jours précédents, il ne referma pas directement la trappe. Simon y jeta un regard à la foi inquiet et plein d'espoir, sans s'en approcher. Il resta assis sur le lit pendant que Mal s'aspergeait le visage.

-Non, avoua-t-il. J'ai l'impression de devenir fou.

-Oui, je sais ce que c'est.

-Vraiment ? J'en doute.

Simon ne put retenir le venin dans sa voix. Il avait besoin de se défouler sur quelqu'un ou quelque chose. Mal étant son seul interlocuteur possible et le capitaine du vaisseau, c'était normal que cela tombe sur lui. C'était lui qui avait accepté cet officier à son bord et Simon n'avait pas envie d'écouter la voix de la raison qui lui soufflait qu'il n'avait pas eu le choix.

Mal lui adressa un sourire qui disait qu'il savait parfaitement ce qu'il pensait et s'assit sur un tabouret en face de lui.

-J'en ai une petite idée. C'était... peut être deux an, deux an et demi avant la fin de la guerre. On était sur Disraeli, une des lunes de Constance et à ce moment-là, on croyait vraiment qu'on pouvait y arriver. On a même un peu foutu les jetons à l'Alliance. Le colonel présent sur Disraeli était le genre à avoir des dents qui raclaient le plancher, désespéré d'être le sauveur de l'Alliance et d'avoir sa belle petite promotion bien méritée. Tu vois le genre ?

-Assez bien, oui. On trouve ce genre d'hommes dans les h?pitaux aussi.

-Et j'imagine qu'ils font pas mal de dég?t, à leur échelle. Toujours est-il que ce gars a décidé qu'il allait découvrir les plans des indépendantistes et les ramener lui-même en haut lieu. Alors au lieu de faire exécuter les prisonniers ou de les envoyer en camp de redressement, il décide de les torturer jusqu'à ce qu'ils parlent. Il se montre très inventif pour ?a.

La main du capitaine tremblait légèrement. Simon hocha la tête.

-Vous avez été capturé.

-Et jeté dans une espèce de pièce obscure où aucun bruit ne passait. J'étais incapable de voir quoi que ce soit, aucune idée du temps qui s'écoulait. Finalement, la porte s'est ouverte. Des rumeurs avaient circulé, le colonel était allé trop loin et était convoqué par l'état-major pour s'expliquer. On a tous été remis dans des cellules normales le temps de l'enquête, et j'ai pu m'évader deux semaines plus tard. J'ai ensuite appris que je n'avais passé qu'une trentaine d'heures dans cette pièce. Et bien laisse moi te dire que j'aurais cru que c'était le double et que j'aurais raconté à peu près n'importe quoi pour m'en sortir.

-La torture par privation sensorielle. J'en ai entendu parler.

Mal lui jeta un regard surpris.

-J'aurais cru que l'Alliance ne laissait pas ce genre d'informations filtrer jusqu'à ses gentils petits citoyens privilégiés.

Simon ne releva pas. Il l'avait bien cherché.

-La privation sensorielle est parfois utilisée comme méthode thérapeutique, mais jamais sous cette forme extrême. Cela peut être très efficace, mais un de mes professeurs, un ancien docteur militaire, a laissé échappé qu'il avait vu, ou peut être participé à quelque chose de ce genre. Qu'est devenu ce colonel ?

-Dégradé et mort sur le front quelques mois plus tard. Sa plus grosse erreur n'était pas d'avoir torturé des indépendantistes, bien s?r, mais d'avoir gaspillé des ressources sur une lune perdue pour rien alors qu'au même moment, l'Alliance perdait une grosse bataille de l'autre c?té de l'univers.

Ils restèrent silencieux un bon moment, puis Mal s'épongea la nuque et se redressa.

-Sinon, doc, envie de prendre un peu l'air ?

Simon rêvait d'entendre cette phrase. La trappe ouverte faisait enfin circuler l'air pour la première fois depuis quatre jours. C'était merveilleux de ne pas avoir l'impression d'étouffer juste en ouvrant la bouche, mais il avait besoin de plus.

Néanmoins, il fron?a les sourcils.

-Est-ce raisonnable ? Vous avez dit...

-Que le gars de l'Alliance avait tout l'allure d'un fouinard ? Je l'ai dit et je m'y tiens. Ce gars n'arrête pas d'aller et venir. Il suffit de faire du bruit dans un coin pour qu'il rapplique.

-Oui, je crois l'avoir entendu passer deux ou trois fois au-dessus. Il a un pas très... réglementaire.

Mal ricana.

-Vraiment ?

Simon s'abstint de dire qu'il avait pu remarquer ces derniers que Mal aussi avait un pas très militaire, peut être même plus que Zoé.

-Il ne risque pas de chercher à explorer le vaisseau de nuit ?

-Pas celle-ci, sourit largement Mal. On l'a drogué.

-Quoi ?

-Books a pris quelques pilules à l'infirmerie ce soir et Inara les a glissé dans son verre sous son nez. Il était tellement occupé à regarder sa poitrine qu'il ne les as pas vu se dissoudre dans son verre. Il dors à poings fermés, tu peux me croire.

-Que lui a-t-il donné ? Certains soporifiques ont des contre-indications...

-Que Books conna?t, j'en suis s?r. Il lui a donné quelque chose de basique. Inquiet pour la santé d'un officier de l'Alliance qui t'arrêterait s'il savait que tu es à bord ? Ta tête est toujours sur le cortex, dans la catégorie prime. Elle a encore un peu grimpé d'ailleurs.

-Alliance, pègre... Tant que je suis le seul médecin à bord, toute personne malade est sous ma responsabilité, surtout si elle a pris quelque chose que je ne lui ai pas prescrit. Mais vous avez raison, le pasteur Books a des bases solides.

-Alors si tu es rassuré, sors prendre l'air et te dégourdir les jambes. Tu en as besoin.

Il avait raison. Simon se sentait tout courbaturé d'être resté si longtemps inactif. Le lendemain, il ferait des étirements. C'était une activité praticable en silence.

L'air au sommet de l'échelle était incomparable avec celui qui stagnait en bas. Simon l'avala à larges goulées. Il constata également que tout était éteint autour d'eux, chaque trappe fermée. Les occupants de Serenity dormaient à poings fermés. Tant mieux. Après ces quatre jours isolés, Simon aurait eu du mal à supporter le bruit de conversations.

-Suis-moi.

Simon s'attendait à ce que Mal l'invite à se rendre à la cuisine, mais non, il se dirigeait vers le poste de pilotage. Intrigué, il le suivit.

Seules quelques lumières étaient allumées, le minimum pour ne pas se cogner et pour pouvoir réagir en cas de problème. Simon posait rarement le pied ici. Ce n'était pas sa place, il n'aurait fait que gêner. En conséquence, il ne montait qu'en cas d'accident. Jamais il n'avait prit le temps de se poser sur le plancher juste pour regarder les étoiles, comme le faisait Mal.

C'était apaisant. Simon pouvait voir les étoiles tous les jours par les hublots de la cuisine, mais il n'avait jamais vraiment prit le temps de le faire. L'espace ne l'intéressait pas vraiment. C'était quelque chose qui existait au-dessus de sa tête, voilà tout.

-Tu n'as pas l'air fasciné par ce spectacle.

-Je le suis.

La voix de Simon ne sonnait pas de manière très convaincante à ses propres oreilles.

-Je croyais que puisqu'on ne voyait jamais les étoiles sur vos planètes centrales avec leurs grands immeubles et leurs puissantes lumières, vous deviez les admirer.

-J'imagine que c'est parce que ma s?ur en rêvait et qu'elle n'est pas là pour voir ce spectacle. C'est très beau, seulement, je voudrais qu'elle le voit aussi. Les étoiles, les lunes et les planètes, c'était le domaine de River, pas le mien. Je gardais les deux pieds sur terre et j'y étais très bien.

-Vois-les choses différemment. Tu peux les regarder pour elle.

Simon s'attendait à une autre incitation à en dire plus sur sa s?ur. Depuis Fiddler's Green, il savait que le sujet rendait Mal extrêmement curieux. Et en même temps, il avait plusieurs fois exquivé le sujet avant que Simon n'ait à le faire. Il lui jeta un regard curieux, avant de reporter son attention sur les étoiles. Combien de planètes avait-il visité depuis le début de sa fuite ? Aberdeen, Salisbury, Harvest, Tongyi, Paquin, Regina, Fiddler's Green, Aesir...

Il ferma les yeux et s'imagina un instant qu'il n'était là, sur le sol glacial de Serenity que parce qu'un voyage touristique avait mal tourné, ou parce qu'il était parti en mission humanitaire. Demain, il rentrerait à la maison, sur Osiris, et River lui sauterait dessus pour tout savoir. Que mangeait-on sur Aberdeen ? ? quoi ressemblaient les fleurs sur Salisbury ? Quelles danses, quelles chansons avait-il entendu ? Toutes ces questions qu'elle devrait se poser et auxquelles il n'aurait jamais pensé. Il y accorderait plus d'attention désormais.

-J'imagine que je n'ai plus qu'à toutes les visiter.

-Toutes les planètes ?

-Et toutes les lunes, et approcher toutes les étoiles. C'était son projet. Elle voulait aussi découvrir combien il y a de parfum de glace dans l'univers et toutes les go?ter.

Mal se mit à rire. Simon l'imita bient?t. C'était la première fois qu'il parvenait à rire en pensant à River.

Cela faisait un bien fou. Et voir les étoiles aussi lui faisait du bien. Même s'il n'y avait pas accordé beaucoup d'attention jusqu'ici, il trouvait leur présence réconfortante après ces journées à contempler un plafond de métal en se demandant si le pas qu'il entendait au-dessus de sa tête était amical ou non. Quatre jours plus t?t, l'espace était ce quelque chose de mena?ant qui pouvait les tuer si le moindre rouage de la machinerie de Serenity dysfonctionnait. Maintenant, la présence toute proche de cette immensité rendait moins étroite sa cabine.

-Je crois que je commence à comprendre.

Mal lui jeta un regard inquisiteur.

-Quoi donc ?

-Pourquoi vous gardez Serenity en vol.

-Seulement maintenant ?

-Que voulez-vous, nous autres des planètes centrales n'avons pas la sagesse infuse de la bordure.

Mal se redressa en riant doucement pour aller chercher une bouteille d'alcool cachée sous la console. Simon leva très haut un sourcil.

-J'ai préféré la déplacer tout à l'heure pour ne pas réveiller les autres avec des aller-retours incessants. Sers-toi.

Boire à la bouteille... Son père aurait poussé des hauts cris. Sa mère aussi, tout en prétendant ne jamais l'avoir fait quand elle se croyait seule. L'idée ne lui paraissait pas si abjecte aujourd'hui, mais il repoussa tout de même la bouteille.

-Non merci. J'ai une très mauvaise résistance à l'alcool. La dernière fois que je me suis laissé allé, j'ai chanté en public du haut d'une statue.

Mal, qui avait aussit?t récupéré la bouteille pour lui-même, s'étouffa sur la première gorgée. Un point pour moi, songea Simon.

Il sourit et se remit à contempler les étoiles.

Cette brève excursion hors de sa prison lui avait fait du bien. Et puis, dans deux jours, l'officier commencerait sa tournée d'inspection et il pourrait circuler quelques heures dans le vaisseau. Cette idée l'aidait aussi à tenir le coup. Le lendemain fut l'un dans l'autre, supportable, quoique affreusement long. Simon ne dormit pas beaucoup cette fois. Il se for?a à rester un minimum actif, à s'étirer toutes les heures et à lire quelques articles médicaux.

-Tu as l'air en meilleure forme, nota Mal en s'effondrant sur son lit tard ce soir là.

-J'ai réussi à rester actif. Je me suis mis à jour sur certaines techniques chirurgicales.

-?a peut être utile.

-Oui. J'ai besoin de me sentir utile, ou je vais devenir fou.

-C'est l'affaire de quelques jours, tu survivras bien jusque là.

-Je ne parles pas que de cet enfermement, Mal. J'ai besoin d'être utile même en dehors de ?a. J'ai passé les dernières semaines cantonné dans l'infirmerie à faire du tri et du rangement pour m'occuper, mais ?a ne suffit pas, je m'en aper?ois maintenant. Si je ne veux pas exploser à un moment où un autre, j'ai besoin d'être utile en dehors des moments où l'un de vous est blessé.

?tait-ce un éclair de satisfaction qu'il décelait dans le regard du capitaine ?

-Tu penses à quelque chose en particulier ?

Cette fois, il avait la distincte impression d'amuser Mal.

-Je veux apprendre à tirer, pour commencer.

-Tu n'as pas prêté une sorte de serment de ne pas blesser et tuer ?

-Si. Mais que vaut ce serment ici et maintenant ? Parfois, un fusil de plus pourrait sauver vos vies plus efficacement que mon bistouri, non ?

River était morte par sa faute, autant que par celle des fédéraux. Il avait déjà du sang sur les mains. Et puis, sur la bordure, il n'y avait parfois pas le choix tout simplement. Simon n'hésiterait pas à tirer sur quelqu'un pour sauver une vie désormais.

Il l'espérait du moins.

Mal ne lui demanda pas si il était s?r de lui ou s'il s'en sentait capable, heureusement. Il se contenta de hocher la tête.

Ils se comprenaient. Les épreuves qu'ils avaient traversé étaient complètement différentes, mais ils n'avaient pas besoin d'en parler pour comprendre qu'ils y avaient réagi de manière similaire. Ils avaient tous les deux été tentés par la mort, mais incapable de se la donner. Serenity avait été le radeau auquel Mal avait pu se raccrocher. Pour Simon, c'était son serment de médecin.

-Je voudrais aussi participer à vos... combines. Je crois être un très mauvais acteur, mais j'ai une ou deux idées dont nous pourrions parler à l'occasion.

-Des idées rapportant de l'argent ?

-Si ?a marche... oui. Beaucoup plus que d'habitude.

Mal siffla.

-Si c'est le cas, tu arrivera peut être même à faire changer Jayne d'avis. Il pense toujours que tu es un poids mort qui profite à fond de son enfermement forcé.

Simon grima?a en comprenant à quoi pouvait bien faire allusion Mal. Bien s?r, le capitaine n'en ricana que plus fort, mais il avait l'habitude d'être soit moqué, soit ignoré. Seulement, avec Mal, ce n'était pas méchant. Il ne se moquait pas de lui comme Jayne ou ses camarades d'université. Il le faisait à la manière de River. Et si celle-ci était là, elle traiterait Simon d'idiot et elle aurait bien raison. Depuis quand avait-il des amis à bord de Serenity – des amis tout court – sans même s'en être rendu compte ?

Oui, un véritable idiot.

?videmment, Mal ne pouvait lui apprendre à tirer dans une cabine de quelques mètre de large alors qu'un officiel était à bord. Il lui montra cependant dès le lendemain comment tenir convenablement une arme et comment l'entretenir.

Le lendemain, après une journée entière passée à s'entra?ner, Simon s'y prenait passablement bien pour monter et démonter l'engin infernal. Il détestait que cela soit si simple.

Mal s'en amusa le soir même.

-Je n'ai jamais vu personne lancer des regards aussi noirs à une arme. Ce pistolet t'as fait quelque chose personnellement ?

-Si on avait con?u ces choses pour qu'elles soient plus dures à manier, il y aurait moins d'imbéciles qui finiraient aux urgences.

Rageusement, il entreprit de démonter et remonter à nouveau l'arme. Aurait-il pu changer les choses s'il avait su en manier une avant d'aller essayer de sauver River ? Serait-elle là aujourd'hui sur Serenity ou bien se seraient-ils fait tuer quelque part dans l'univers sans que personne ne s'en soucie ?

Mal soupira et lui ?ta l'arme des mains.

-Règle numéro une : jamais avoir un pistolet en main quand on se pose des questions inutiles.

Il posa sa main sur l'épaule de Simon qui se dégagea d'un geste brusque pour aller s'appuyer contre l'échelle.

-Elle devrait être là aujourd'hui. Si j'avais été...

-Plus rapide ? Plus réactif ? Plus futé ? Tout ?a, c'est des questions inutiles et dangereuses. Tu te les poses une arme à la main, tu te fais tuer ou tu te la poses sur la tempe. Pas de ?a, doc.

-Vous parler du vécu ?

-Non, parce que Zoé m'a remis les idées en place d'un coup de poing. Je peux faire de même avec toi si besoin. Tamade. Je pensais que c'était fini tout ?a.

-Quoi, mes pulsions suicidaires ? Mon autoflagellation constante ?

Leurs voix à tous deux étaient montées, suffisamment pour qu'un coup porté sur la cloison depuis la cabine de Zoé et Wash les rappelle à la réalité. Simon ferma les yeux. Il s'étonnait lui-même de l'avoir dit à voix haute. Jusque là, il avait réussi à même à éviter d'y penser. Cet enfermement mettait ses nerfs à rude épreuve. Il soupira.

-Elle avait seize ans Mal. Seize ans et ils l'ont torturée. Ils lui ont ouvert la tête et moi je n'ai pas été assez rapide pour la sortir de là. J'ai cru que j'y était arrivé, mais elle est tombée et je n'ai pas réussi à la rattraper. Elle est tombée...

Sa voix se noua. Il respira très fort, essaya de reprendre un peu d'emprise sur lui-même, puis croisa le regard de Mal. Il y lisait de la colère, mais devinait qu'elle s'adressait aux tortionnaires de River plut?t qu'à lui-même. Simon y devina aussi de très nombreuses questions. Il en aurait des tonnes à sa place, sur ceux qui avaient fait ?a à River, sur ce qui c'était passé exactement ce jour-là... Mal n'en posa qu'une.

-Comment-est-ce qu'elle était ?

Entre deux sanglots et en essayant malgré tout de sourire, Simon entreprit de lui raconter le miracle qu'était sa s?ur. Une fois qu'il eut commencé, il était obligé de continuer. Il parla peut être deux heures, de ses dons pour la danse, la musique, de ses mauvaises plaisanteries et de comment elle le faisait tourner en bourrique. Par deux fois, il faillit parler aussi de l'Académie et de ses soup?ons, mais Mal le ramena sur le sujet moins dangereux de leur enfance. Et quand il n'eut plus de voix, il le for?a à boire et à se coucher dans le lit.

Simon s'endormit comme une masse.

Au matin, il eut la sensation de se réveiller avec la gueule de bois sans avoir bu une goutte d'alcool. Mal finissait d'enfiler ses bottes et le salua d'un signe de tête.

-Haut les c?urs, doc ! Dans une vingtaine d'heures, on dépose l'officiel et tu pourras respirer un peu.

Simon hocha la tête en silence pour montrer qu'il l'avait entendu. Il avait dormi plusieurs heures d'un sommeil de plomb mais se sentait vidé. Son épuisement était plus psychologique que physique, bien s?r. Il ne s'était pas autorisé à s'effondrer depuis les premières heures qui avaient suivi la chute de River. De ces heures là, il ne gardait qu'un souvenir confus au point d'être incapable de dire comment il avait bien pu quitter la planète vivant, et sans se faire repérer. La crise de la veille lui avait fait du bien cependant. Il se sentait plus calme. Peut être était-ce enfin le début du processus de deuil. Simon aurait voulu se sentir coupable d'y parvenir. Le poids de sa culpabilité devrait l'étouffer. Il n'en était rien.

Il se leva pour aller examiner sa tête dans le miroir. C'était pire encore que ce qu'il s'imaginait. ? en voir ses cernes, on aurait juré qu'il n'avait pas dormi depuis dix jours. Mal jeta le peigne dans sa direction et Simon le rattrapa de justesse.

-Tu ferais bien de te refaire une beauté avant de remonter ce soir. Si elle te vois dans cet état, Kaylee va penser que je t'ai crié dessus et me bouderait pendant des jours. Tu es son préféré à bord après tout.

-C'est ma préférée aussi.

Simon sourit en pensant à elle. L'amitié de la petite mécanicienne était la meilleure chose qui lui soit arrivé depuis longtemps. Mal fron?a les sourcils de manière exagérée et prit un ton joueur.

-Je croyais que c'était moi ton préféré.

Sans laisser à Simon la possibilité de répondre, il lui envoya un clin d'?il et grimpa à toute vitesse l'échelle pour sortir de la pièce. Simon resta seul dans la pénombre, conscient de la rougeur qui s'étalait sur ses joues.

Et bien. Voilà un développement dont il se serait bien passé. Simon voulut aussit?t mettre cette attirance sur le dos de l'enfermement et du manque de contact humain, mais cela aurait été un peu trop facile. Elle devait être là depuis quelques temps, et il l'avait ignorée comme il ignorait tout le reste. Comme River prenait un malin désir à le lui rappeler, il n'était pas plus doué pour se rendre comte de ses émotions que de celles des autres. Mal, hélas, correspondait un peu trop bien à ses critères en matière de partenaires masculins. Il s'était aussi battu pour aider Simon à reprendre pied, depuis le premier jour. Et Simon ne s'en était jamais rendu compte.

Il se laissa retomber sur le lit, un peu estomaqué et se demandant ce que lui réservait la suite.