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Chapitre 1
Quelques sous pour ces voyageurs
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La fraicheur avait rapidement gagné les terres britanniques une fois la nuit tombée et ce fut en frottant énergiquement ses mains glacées qu'Allen Walker pénétra dans la gare routière plut?t élégante de la ville. L'animation était à son apogée suite aux retours de travail et au train qui venait tout juste d'arriver en gare. Détaillant l'immense hall des yeux, propre et éclairé, Allen se rappela à peine de la b?tisse en bois qui faisait office de gare ici à l'époque où il était encore enfant. Le monde avait bien évolué en son absence.

? On va pas mendier ici, j'espère, ? l?cha Kanda qui se trouvait à ses c?tés, scrutant lui aussi le monde ambiant en bas du grand escalier.

? C'est ?a, où alors tu vends ton uniforme, ? lui fit remarquer Allen, haussant un sourcil moqueur à son adresse.

? Et me retrouver avec quasi rien sur le dos alors qu'il gèle dehors ? Sans fa?on. ?

Près d'eux, plusieurs personnes passaient, affublées de chauds manteaux, souvent porteurs de mallette ou valise. Allen sentit quelques regards intrigués voire révulsés, vers son visage et ses cheveux blancs, ce qui le poussa à inconsciemment remontre le col de sa veste.

? Quel fragile tu fais, ? fut alors la réponse du maudit en poussant légèrement l'autre homme sur le c?té pour le charrier.

Mais par reflexe et suite à ses mouvements rapides, Kanda n'attendit pas pour agripper le col d'Allen et le foudroyer d'un regard mauvais.

? File-moi ton manteau que j'aille le vendre, stupide Moyashi ! ? s'exclama-t-il en ignorant l'attention qu'il apportait jusqu'à eux. ? Puisque la température ne semble pas être un problème pour toi ! ?

? Hey, A-…A?e ! Tu m'as arraché les cheveux ! Et mon manteau ne vaudra pas un rond ! ?

Avant d'ameuter foule ou d'alerter de possibles policiers en vadrouille, Kanda l?cha le plus jeune et après un ? tss ? bien placé, entreprit la descente des escaliers, poings serrés. Ce n'était pas dans ses objectifs de faire la manche ou de chercher à gagner de l'argent humblement, une fois c'était bien assez avec Johnny et Allen. Il avait des choses bien plus importantes à penser.

? Mon uniforme aussi, j'ai déjà vendu tous les insignes ! ? lui siffla Kanda alors qu'Allen le suivait de près. ? Et en partie pour ta pomme ! ?

? Le tissu est extrêmement résistant, on peut le vendre à un bon prix ! ? s'exclama le maudit qui le suivit jusqu'en bas des marches.

Il tenta d'attraper le tissu de l'uniforme en question au niveau de l'épaule de Kanda pour lui prouver qu'il pouvait résister en tirant dessus, mais le kendoka fut plus rapide, se stoppa et d'un geste vif, se retourna vers le plus jeune.

? Si tu insistes à nouveau, je t'explose la figure, c'est clair ? ? cingla-t-il entre ses dents, mais sa colère n'était pas si réelle que cela, c'était surtout un mécanisme de défense pour être s?r de pouvoir garder le seul vêtement qui le protégeait du froid mordant de fin d'automne. ? Très bien, séparons-nous et voyons qui de nous deux récolte le plus de sous avant la fermeture de la gare, ? ajouta-t-il ensuite après un soupir las.

Conclusion qui dérouta le plus jeune. Allen arqua un sourcil, croisant bras contre poitrine.

? Quoi ? Tu me laisserais vagabonder seul ? Pas peur que je te file entre les doigts ? ?

? Oh t'en fais pas pour ?a, la gare est pas grande, j'te garde à l'?il. ?

? Pas besoin de me regarder comme ?a, tu vraiment flippant parfois. ?

Puis, après quelques regards irrités, les deux hommes se séparèrent et s'enfoncèrent dans la gare. L'animation commen?ait à se calmer suite au temps qui passait. Allen frottait à présent ses bras pour insuffler à son corps le maximum de chaleur possible, tout en étudiant attentivement chaque recoin de la gare.

De toute manière, fuir n'était plus une option. Kanda semblait décidé à ne plus le l?cher, et jouer au chat et la souris n'allait l'avancer à rien, hormis perdre un temps crucial. Et puis, comme l'avait fait ressentir son c?ur, la présence du kendoka auprès de lui était… apaisante.

Intérieurement, le Moyashi ricana amèrement à cette pensée. Jamais il ne dirait ?a tout haut, surtout pas devant l'autre idiot qui irait bien se moquer. ?trange comment les choses avaient pu évoluer dans sa vie aussi. S'arrêtant près d'un kiosque, Allen se permit de jeter un bref coup d'?il derrière son épaule, et il entrevit Kanda un peu plus loin, qui semblait en pleine discussion peu aimable avec un vieux monsieur, surement en train de lui réclamer de l'argent.

Un sourire amusé et calme vint glisser sur les lèvres d'Allen. Son c?ur rapide lui procurait une douce chaleur, curieuse et nouvelle. Peut-être pas si nouvelle que cela, mais bien plus intense que toutes les autres fois où il avait détaillé subtilement l'autre homme des yeux.

Soudain, du coin de l'?il il remarqua quelque chose. Se tournant vers l'instrument à musique près d'une des colonnes de la gare, il se figea net, le c?ur plus erratique pour une tout autre raison.

Il pouvait jouer un peu de piano. Il avait déjà vu des mendiants utiliser leur don en musique pour payer leur déjeuner. Flute, guitare, parfois même maracas ou trompette. Et lui, il savait jouer du piano, il pouvait par le son de la partition, attirer l'oreille de quelques passants et récupérer de quoi manger de dormir ce soir.

Il remarqua à peine qu'il s'était approché du piano en plut?t bon état, repensant soudain au Quatorzième. Il n'avait tout bonnement jamais eu de cours de piano et encore moins de solfège, mais dès qu'il s'asseyait face à un instrument à touches, la partition de Neah D. Campbell lui venait tout seul.

C'était la seule mélodie qu'il connaissait. Un pari dangereux lorsqu'on savait que le Noé sommeillait en lui et avait été dernièrement très actif. Pourtant, il fit un pas en avant, tendant sa main vers le fauteuil.

? Ne fait pas ?a. ?

La main qui se posa brutalement sur son épaule pour l'empêcher de s'asseoir devant l'instrument, le fit sursauter et il fit volte-face pour tomber nez à nez avec le bretteur aux sourcils froncés.

? Quoi ? ? l?cha simplement Allen en clignant plusieurs fois des yeux, retombant soudainement sur terre.

? Tu hésites. Je suppose que la seule mélodie que tu connaisses est celle du Quatorzième. ?

Il désigna alors le piano derrière Allen d'un geste du visage et le maudit déglutit. Il fut surpris par la supposition de son a?né et presque touché de voir qu'il savait cela. Cependant, Allen haussa simplement les épaules et détourna les yeux vers l'instrument.

? Elle est plut?t jolie, cette musique, ? dit-il pensivement. ? Je pourrais gagner un peu d'argent à jouer quelques minutes. ?

? Je sais que tu es conscient du risque. ?

Oui, le risque de réveiller à nouveau Neah. Allen ne savait pas trop la difficulté prochaine qu'aurait le Noé à récupérer les commandes de son propre corps, surtout après le fiasco récent –il avait failli tuer Johnny Gill après tout-. Et cette menace constante du Quatorzième était si frustrante. Allen serra les dents dans l'irritation et leva à nouveau les yeux vers son vis-à-vis.

? Qu'est-ce que tu veux faire d'autres ? L'argent ne va pas nous tomber du ciel et il sera bient?t trop tard. ?

En effet, l'aiguille de l'immense horloge accrochée fièrement au-dessus de l'entrée des quais ne faisait que tourner encore et encore, annon?ant la nuit de plus en plus profonde.

? Ne joue pas cette fichue chanson, ? répéta pourtant Kanda plus durement.

Allen alla répliquer, mais alors qu'il ouvrit la bouche, le moteur d'un des trains débutant son démarrage remplit toute la gare et il fut contraint d'attendre. Kanda profita de son silence pour reprendre aussit?t une fois que seul le brouhaha ambiant fut ma?tre du hall.

? Baisse la tête. Cache ton visage et prétend pleurer. ?

? Hein ? ? l?cha Allen comme deux ronds de flanc.

? Fais ce que je te dis, ? lui intima Kanda en le poussant un peu en avant.

Devant, près d'une vieille femme au panier de légumes qui portait un élégant sac à main à l'épaule. Allen comprit aussit?t que Kanda allait tenter quelque chose concernant leur cruel manque d'argent, et sans réfléchir à deux fois, obéit malgré lui au Japonais qui se pla?a ses c?tés.

Il baissa la tête, ses mèches de cheveux blancs allant cacher tout son visage, ses mains froides venant se presser contre ses joues et ses yeux afin de prétendre être en larmes. Bon acteur, la vieille femme ne verrait que du feu.

? Excusez-nous de vous déranger, Madame, ? entendit le Moyashi, Kanda prenant une voix presque trop gentille, ce qui était on ne peut plus déconcertant. ? Nous avons cependant un petit problème. Nous n'avons pas assez d'argent pour prendre le train de retour jusqu'à chez nous. ? Puis, Allen sentit le bras du brun venir enserrer presque douloureusement l'arrière de ses épaules. ? En plus de cela nous attendons un enfant, ma femme est très inquiète et ce n'est pas bon pour le bébé. Serais ce trop vous demander de nous céder un peu de pièces ? ?

Quoi ?!

Les ongles de sa main libre griffèrent presque la peau de sa joue à l'entente du discours de l'autre idiot, mais Allen ne bougea pas, et joua le jeu, espérant que ce petit manège allait fonctionner. La réaction de la vieille femme ne se fit pas attendre :

? Oh bonté divine, ne bougez pas je vous trouve un petit billet, ? fit-elle en ouvrant le sac qui avait d? lui co?ter une petite fortune –Kanda avait visé juste-. ? J'espère que cela vous permettra à tous les deux de rentrer chez vous sans accroche. ?

Kanda eut à peine tendu la main que la vieille femme pla?a deux billets au sein de cette paume tout en obligeant le kendoka à refermer le poing autour de l'argent. Elle lui sourit avec infinie douceur et tapota à l'aide de ses petites mains ridées, le poing serré de Kanda.

? Prenez soin de vous deux. Vous êtes un charmant petit couple, ? ajouta-t-elle alors.

Allen manqua de s'étrangler et se mordit l'intérieur de la bouche pour rester zen et ne pas défaillir ou bien sauter au cou de Kanda pour lui arracher la gorge à l'aide de ses dents. Fort heureusement, après un ? merci infiniment ? l?cher de la part de Kanda, la vieille femme referma son sac et partit rapidement en direction de la sortie de la gare, probablement décidée à rentrer avant que la nuit ne devienne potentiellement dangereuse.

? Kanda, je vais te br?ler, ? marmonna le blandin en abaissant ses mains, n'haussant pas tout de suite le ton par crainte que leur nouvelle alliée ne l'entende. ? Et bouffer tes cendres. ?

? Remercie-moi Moyashi, je viens de remporter ton d?ner, ? lui fit ironiquement Kanda en lui montrant les deux billets entre ses mains.

Des Livre Sterling capables de leur offrir un bon d?ner en tout cas, mais loin de pouvoir leur offrir une chambre, même miteuse. Réprimant son embarras suite à la stupide histoire du kendoka, Allen fron?a les sourcils et lui arracha les billets des mains.

? Ouais c'est bien beau tout ?a mais c'est pas avec cette somme qu'on va pouvoir dormir. ?

Il les plia et les rangea dans la poche de son manteau beige, moue toujours présente sur son visage. Il avait beau être en colère contre le Samoura?, les dernières paroles de la vieille femme tournaient en boucle dans son esprit torturé, agitant son c?ur furieusement. Il aurait aimé pouvoir passer outre, ne pas s'y attarder, mais c'était plus fort que lui, il avait de plus en plus de mal à réprimer ses sentiments naissants.

? T'es f?ché ? ? fit soudain Kanda, pourtant au visage toujours taciturne.

Ou du moins, c'est ce que ?a portait à croire bien qu'Allen parvint à percevoir un petit sourire moqueur à la commissure de ses lèvres.

? Arrêtes de rire ! ? s'exclama Allen en le pointant sévèrement du bout de son index.

? Je ne ris pas. ?

? Ton sourire, Kanda. Ton fichuuuuu sourire ! Tu crois que je suis aveugle ? ?

Et Kanda ricana. Ou plut?t, il rit. Ce fut rapide, bref et presque inaudible au milieu du brouhaha ambiant de la gare, et pourtant, Allen ne le loupa pas. Se mordant à nouveau l'intérieur des joues pour contr?ler les battements de son c?ur, l'Anglais se concentra sur tout autre chose :

? Et puis de nous deux, avec tes cheveux de dix kilomètres et ta taille fine, t'es celui qui ressemble le plus à une dame. ?

? Pff, non je ne crois pas. Accepte la vérité, Moyashi. ?

Plissant aussit?t les yeux à cette ineptie, Allen lui envoya des éclairs mena?ants. Puis, il se retourna et chercha vivement des yeux de quoi faire inverser la balance. Ce fut un monsieur d'?ge moyen qui fermait à clé les parois de son kiosque sur qui l'intérêt du Moyashi s'attarda.

Ainsi, il fit deux pas vers lui en faisant signe à Kanda de ne pas bouger, et se racla la gorge.

? Excusez-moi, Monsieur. Vous avez une minute ? ? lui demanda-t-il, l'homme en question s'arrêtant dans son mouvement, clé toujours en main, lui lan?ant une curieuse expression. ? Ma grande femme et moi on aimerait un peu d'argent pour souper ce soir. En plus elle est enceinte, elle a besoin de beaucoup manger, ? Allen appuya ses propos en désignant Kanda à quelques pas de lui, bras croisés contre son torse. ? Votre aide serait beaucoup apprécié. ?

Mais Allen n'obtint pas la réaction escomptée. Son interlocuteur ouvrit d'abord de grands yeux pour ensuite froncer les sourcils, retirer la clé de la serrure et pointer furieusement Allen d'un doigt :

? Vous n'avez pas honte ? Utiliser de tel stratagème pour voler de l'argent aux honnêtes concitoyens ? Allez au diable ! ?

Au diable… Allen ricana intérieurement, et bient?t, l'homme quittait les lieux poings serrés, visiblement partagé entre dégo?t, colère et déconcertement. Et alors que le blandin retenait un soupir, Kanda derrière lui, ricana à nouveau.

? T'es vraiment un cas, tu sais ?a toi ? ? lui fit-il avec ironie.

? La ferme… Allons manger, j'ai faim. ?

? C'est bien la première chose censée que tu dis aujourd'hui, Moyashi. ?

? C'est ALLEN ! ?

O

Le bar-restaurant pour lequel ils optèrent tous les deux était animé, joyeux et chaleureux. Pas la tasse de thé de Kanda, mais ils n'avaient pas eu l'embarras du choix vu l'heure et selon Allen, cette ville était fortement réputée pour l'amusement. Ce genre de restauration était ce qui était le plus courant ici.

Allen mourrait de faim, mais malgré le fait qu'il était un symbiotique et avait besoin d'avoir une quantité de nourriture supérieure aux autres, il prit garde à commander la même quantité que l'autre homme. De toute fa?on, ce n'était pas comme s'il avait trop le choix au vu de leur porte-monnaie en pleine crise.

? peine eurent-ils commandé que Kanda lui avait ordonné de lui raconter toute son histoire, mais Allen lui promis de lui dire un peu plus tard, quand ce serait un peu plus calme autour d'eux. ?tonnamment, malgré un grognement agacé du bretteur, il céda et ils mangèrent tous les deux en silence, remplissant leurs estomacs qui étaient vidés depuis bien trop longtemps.

? Ainsi, la rumeur était donc fausse, tu sais manger autre chose que des Soba, ? fit soudain Allen alors que Kanda venait de terminer un chaud bol de soupe, déposant ses couverts alignés au-dessus du récipient. ? Tu ne cesseras donc jamais de m'épater. ?

? Et la rumeur disant que tu mangeais comme un ogre était elle aussi fausse, tu es capable de manger des portions normales et pas un charriot entier, ? lui répliqua Kanda du tac au tac, repoussant le bol sur le c?té pour placer devant lui l'assiette des deux pains sucrés.

Allen pleura intérieurement à cette réplique. Dieu qu'il avait faim. Il avait avalé tout son repas, jusqu'à la dernière miette. Il avait même raclé la sauce de son assiette à l'aide de sa cuillère, il ne restait aucune t?che. Soudain, son estomac se mit alors à gargouiller, le contraignant à presser deux bras contre son ventre afin d'estomper le bruit, un rire embarrassé s'échappant de sa gorge.

Kanda quant à lui, se figea, le petit pain entre ses doigts, clignant plusieurs fois des yeux à l'adresse du plus jeune face à lui. ?videmment, qu'il était bête. Il soupira alors, déposa le pain dans son assiette et poussa alors le récipient vers Allen.

? Casse-couille les symbiotiques. Bouffe ?a avant de tomber dans les pommes, ? lui ordonna-t-il.

Pris de court par le geste du brun, Allen ne put s'empêcher de presque loucher avec envie sur l'assiette que lui offrait l'autre homme, mais se reprit bien vite et secoua vivement la tête pour repousser l'assiette.

? Non, j'ai eu ma part, toi aussi, tu dois avoir la tienne. ?

? Fais pas chier et mange. ?

L'assiette fut à nouveau repoussée au milieu de la table par Kanda, mais Allen ne s'avoua pas vaincu, ignorant son ventre qui lui hurlait d'accepter le cadeau.

? Tu es un grand gar?on, tu dois manger toi aussi, ? fit le maudit en croisant ses bras tout comme Kanda.

? C'est pas deux petits pains qui vont me manquer, crois-moi. ?

? Eh bien, de même, ce ne sont pas deux petits pains qui vont changer quoi que ce soit pour moi. ?

Puis après quelques secondes, Allen explosa de rire. Sidéré par le changement de comportement du plus jeune, Kanda cligna plusieurs fois des yeux, se demandant si la dénutrition venait de rendre Allen Walker totalement fou.

? Qu'est c'qu'il y a de dr?le, ? l?cha Kanda en fron?ant aussit?t les sourcils.

D'un geste de son index, Allen retira les larmes véhiculées par son rire et finalement se calma et sourit doucement, pressant ses avant-bras contre le rebord de la table, soudain nostalgique.

? Il y a quelque temps, on se serrait jetés l'un sur l'autre pour avoir le dernier morceau, ? dit-il, ses yeux se perdant au centre de l'assiette.

Allen ne vit donc pas l'expression quelque peu surprise que démontra subtilement le kendoka. Qui fut si rapide mais pourtant bien là. Car le Moyashi avait tout à fait raison. Cependant, bien de l'eau avait coulé sous les ponts depuis le temps. Puis, après un petit instant de silence, Kanda leva les yeux au ciel, et s'empara d'un des deux pains.

? OK, je prends celui-ci, toi tu prends l'autre. C'est mon dernier mot où j'te jure j'te les fais bouffer tous les deux de force. Et ?a risque d'être douloureux. ?

Le c?ur à nouveau plus rapide, Allen leva à nouveau les yeux vers Kanda. Alors que son ventre gargouilla de soulagement, le maudit finit donc par hocher la tête, petit sourire se dessinant sur ses lèvres.

? Merci, Kanda. ?

Et en silence, chacun dégusta leurs dernières victuailles, au sein du bar-restaurant empli de brouhaha, de musiques enjouées et d'odeur de nourriture et d'alcool alléchants. Allen n'était pas très chaud à rester près de civils suite aux Akuma qui le poursuivaient et Apocryphos à sa recherche, mais ressentir la vie tout autour de lui était comme un boost puissant d'énergie.

Puis, tout en m?chant le dernier morceau de son petit pain encore chaud, les yeux d'Allen s'attardèrent sur la poche en cuir déposée près de Kanda.

? Combien nous reste-t-il d'argent ? ? lui demanda-t-il en désignant le contenant d'un geste du visage.

Kanda pris le temps de croquer dans le pain avant de prendre la pochette et la secouer au-dessus de la table ronde sur laquelle ils s'étaient tous les deux installés, là où quelques pièces vinrent rouler.

? Pas plus de trois Livres, ? fut la réponse du kendoka qui s'était évidemment lui aussi douté qu'un repas correcte allait leur priver d'une chambre pour ce soir.

? Mince. C'est trop peu. ?

Durant l'espace d'un instant Kanda se demanda vraiment si Allen faisait allusion à une chambre pour la nuit, mais laissa de c?té cette petite pensée, et haussa un sourcil, pressant l'un de ses coudes contre le rebord de la table pour y prendre appui.

? Mais dis-moi, c'était quoi ton plan en te barrant tout seul ? ? lui demanda-t-il. ? Tu aurais été seul, sans un sous. Un vrai clochard. ?

? Merci pour cette gratuité. Et comme je te l'ai dit hier, ma seule et unique pensée était de m'éloigner de vous. ?

Puis, Allen jeta un bref coup d'?il derrière son épaule, vers les tables animées de monde. Il était temps d'agir. Ainsi, il se leva, le tabouret en bois grin?ant derrière lui, tendant une main gantée vers son a?né.

? Donne-moi ton uniforme, ? lui déclara-t-il sans préambule.

? Je t'ai dit que c'était mort. Il n'est pas à vendre, ? riposta aussit?t Kanda sur la défensive.

? T'en fais pas, je te le rends juste après, j'en ai besoin un instant. ?

? Qu'est-ce que tu as derrière la tête ? ?

Et sans attendre son reste, Allen récupéra la veste parfaitement bien pliée qu'avait déposée Kanda sur le tabouret libre près de lui, et se dirigea ensuite vers sa future mission. Il entendit Kanda se lever prestement derrière lui et le suivre.

? Ne me dis-pas… ? commen?a le brun qui voyait soudain où Allen voulait en venir.

Et le blandin se planta près d'une table animée au groupe de personnes enflammées, jouant et pariant de l'argent, chopes de bière, jetons de couleurs, liasses et billets et piles de pièces interposés un peu partout sur la surface plane. Allen Walker allait jouer aux jeux.

Puis, prenant une plus grande inspiration sous le regard sidéré du kendoka, Allen se racla la gorge et ouvrit la bouche :

? Je participe à la prochaine manche ! ?

Alors qu'un peu avant, le groupe était bruyant, le silence se fit à cette table et toutes les paires d'yeux des joueurs vinrent détailler le maudit.

? Et combien mets-tu en jeu, le gringalet ? ? lui demanda un homme de forte carrure, dents de l'avant absentes.

? Cette veste de dernier cri, ? leur présenta donc Allen, en prenant un ton très professionnel. ? Au tissu inflammable et ultra résistant. De plus, les odeurs de transpiration ne seront plus qu'un lointain souvenir. Coupée droite aux pans rouges, elle vous donnera aussi un petit c?té aventurier élégant. ?

Kanda resta interdit suite à ce petit discours digne d'un vendeur de boutique à vêtements. Et visiblement, ses propos avait attisé l'intérêt de certains qui hochèrent la tête ou bien parurent réfléchir à la question. Allen sourit davantage, cherchant à leur montrer qu'il était aussi innocent qu'un agneau et que parier cette veste était un gros risque qu'il prenait.

Finalement, Allen fut accepté et quelques secondes après, il prit place sur un tabouret au milieu des autres joueurs tandis qu'on distribuait les cartes. Derrière lui, Kanda vint agripper son col pour le tirer légèrement en arrière et lui murmurer quelques mots à l'oreille :

? Moyashi, tu perds mon manteau et nous fais sombrer encore plus dans la pauvreté, je t'anéantis. ?

? Rappelle-toi combien de fois je vous ai plumés aux cartes à la Congrégation, Bakanda, ? lui chuchota-t-il en retour, agrémentant ses propos d'un petit clin d'?il.

Grognant quelque chose tout bas à l'encontre du comportement périlleux du plus jeune, Kanda se décida à le l?cher et observa alors la table à jouer, croisant les bras contre sa poitrine.

Et en le voyant jouer avec infinie adresse et une certaine hargne dissimulée –complétées par un talent de triche inou?-, Kanda se remémora la liste entière des dettes que lui avaient léguées Marian Cross et que lui et Johnny avaient utilisé pour le tracer. Pas étonnant qu'il ait d? adapter sa manière de jouer pour duper assez de personnes et récolter le plus d'argent possible.

Rapidement, Allen contrebalan?a le sort, et en plus de la veste d'Exorciste, récupéra assez d'argent pour au moins une bonne semaine de couchage. Allen gardait un sourire innocent alors qu'un des joueurs aux joues rougies par l'alcool lui hurlait de vider ses manches. Ce qu'il fit et rien ne fut trouvé, évidemment. Le Moyashi était plus malin que cela.

Après deux autres parties où le blandinet raflait un pactole monstre, Kanda se pencha à nouveau vers lui.

? J'pense que ?a suffit, idiot, ? lui fit-il en haussant d'un ton pour se faire entendre à travers le brouhaha et la musique. ? Tu vas finir par te mettre à dos un type de la Mafia ou un truc du genre. ?

? Juste une dernière partie, Kanda ! ?

Le sourire amusé et perfide que lui offrit Allen alors que la moitié de la table r?lait contre sa chance miraculeuse, atterra le kendoka qui soupira.

? Fais c'que tu veux. ?

? Tiens va tacheter du petit lait, je paye ta tournée, ? ajouta alors Allen en lui tendant un petit billet.

Lui arrachant presque l'argent des mains, Kanda lui offrit une belle tape à l'arrière du cr?ne et sans un regard en arrière, vint rejoindre le bar. Il s'installa à l'un des tabourets pourtant loin d'apprécier cet endroit bruyant, et glissa le billet sur le bois au milieu des restes de cacahuètes pour commander un verre.

Pas qu'il souhaitait se saouler, loin de là, mais il avait juste envie d'un petit remontant. Avant l'alcool ne lui faisait pratiquement aucun effet, et dernièrement son corps avait réagi de fa?on curieuse à l'alcool. Surement comme une personne normalement constituée. Et la situation plus qu'incertaine ainsi que l'anxiété de voir le Moyashi lui filer à nouveau entre les doigts lui fit apprécier la première gorgée de ce liquide chaud.

Portant le verre une seconde fois à ses lèvres, ses yeux vinrent inconsciemment se déposer sur le concerné qui regroupait devant lui à l'aide de ses bras, tout l'argent qu'il avait récupéré, riant. Kanda plissa les yeux, se demandant bien comment cet idiot n'avait pas encore été frappé en plein visage par l'un des autres joueurs frustrés.

Il remarqua à peine s'être perdu dans une contemplation silencieuse de son visage, mais il fut brusquement tiré hors de ses pensées lorsqu'une jeune femme au fort décolleté vient prendre place sur le tabouret près de lui, retirant d'une main ses magnifiques cheveux roux en arrière contre son dos.

? Salut beau gosse. Alors on est seul, ce soir ? ? lui fit-elle, retirant la cendre sa de cigarette en la tapotant plusieurs fois contre le cendrier posé sur le bar.

? Tes services ne m'intéressent pas, ? le coupa aussit?t Kanda en se réinstallant face au bar, avalant cul sec la fin de son verre.

? Si je n'étais pas une prostituée, tes propos m'auraient bien fait du mal. Mais non, je suis ici en tant que parfaite cliente de ce bar aujourd'hui. Je cherche seulement un peu de compagnie. ?

Elle dit cela sans quitter Kanda de son regard sensuel, mais le brun ne réagit pas et se contenta de lui lancer un regard blasé.

? Et s'il y a plus et affinité, pourquoi ne pas prendre une chambre, ? ajouta-t-elle avec un rapide clin d'?il, intensifiant la longueur de ses cils.

? Je te dis ne pas être intéressé. ?

? Même sans frais ? Un gar?on comme toi, dans la fleur de l'?ge ? Avec une femme comme moi ? ?

De son c?té, Allen venait de ranger tout l'argent dans deux petites poches en cuir, fier de sa prestation et chercha ensuite l'autre Exorciste des yeux. Il le trouva rapidement, assis au bar, mais le c?ur du Moyashi s'arrêta un instant en apercevant la jeune femme près de lui qui tentait bien évidemment de le séduire, ?a ne faisait aucun doute.

Et malgré lui, un élan de jalousie vint agripper les tripes du plus jeune.


Et voilà le premier chapitre, chaque chapitre aura une longueur similaire. J'espère qu'il a été à la hauteur de vos attentes :)

Un immense merci à vos reviews, ?a fait super plaisir de voir que ?a vous pla?t! N'hésitez pas à m'en dire plus, h?te de voir ce que vous en avez pensé.

A très vite pour la suite, pour l'instant on laisse le pauvre Allen dans sa jalousie XD bisou!