POV TUS

? _ J'aurais d? avoir la force de le faire avant qu'on envahisse la cité… ?

Tout était flou autour de lui, il n'arrivait pas à distinguer l'endroit où il se trouvait. La seule chose qu'il reconnaissait était son frère. Ses yeux bleus comme le ciel d'été étaient emplis de désespoir mêlé à une détermination sans faille. Cette volonté si farouche l'interpella, son petit frère était courageux, trop parfois. Sa plus grande force résidait dans son c?ur et non dans ses muscles. Elle lui faisait faire des choses que personne ne pourrait réaliser. Cependant, cela l'amenait également à négliger sa propre sécurité, particulièrement pour protéger les personnes auxquelles il tenait ou dont il avait la responsabilité. Le regard de Dastan n'avait jamais semblé si perdu, si déchainé. Il semblait le supplier du plus profond de son être de… Le croire ? Son c?ur se serra en voyant cette lueur de tristesse sans nom, sans vie. Il aurait voulu le prendre dans ses bras et lui murmurer qu'il n'était plus seul. Qu'il était là, qu'il serait toujours pour lui, pour son petit frère. Mais son corps ne bougea pas, comme figé dans la pierre.

? _ Quoi ? De quoi parles-tu ? ?

Sa propre voix retentit de paroles vaines et qui ne reflétaient pas les inquiétudes qui l'habitaient. Il avait peur de ce que Dastan pouvait faire dans cet état où il ne semblait plus rien avoir à perdre.

? _ Du seul geste à faire quel qu'en soit les conséquences. ?

Il ne put que fixer son petit frère se planter une dague dans le ventre, sous ses yeux. Il voulut hurler sa peine et sa douleur, seul un r?le sortit de sa bouche. Il s'empressa de retirer la dague mais ne put que contempler le sang jaillir de la plaie, plus fort encore qu'auparavant. La vie s'éteigna dans ce ciel d'été comme on souffle la flamme d'une bougie. La vision de l'être chéri, baignant dans son propre sang se grava sur sa rétine. Le flot de sentiments oscillant entre impuissance, rage, désespoir, tristesse et choc se fraya un passage dans son c?ur. La scène s'éloigna, bient?t indiscernable et il se réveilla en sursaut. Le noir de la nuit et ses bruits feutrés lui semblèrent irréels. Son souffle était heurté comme s'il avait couru et combattu pendant des heures. Il ne savait plus où il était et surtout, son frère n'était pas là.

Peu à peu, il reprit ses esprits, retrouvant un calme relatif. Il était à Alamut, pour célébrer le mariage de Dastan et de la princesse. Se postant à la fenêtre, il gouta l'air frais de la nuit, l'utilisant pour reprendre définitivement le contr?le de lui-même. Il ne put se rendormir et resta là, à ressasser son cauchemar. A revoir encore et encore son frère mourir dans ses bras, impuissant.

POV GARSIV

Bon sang, sa tête lui faisait mal. Il n'avait pas bu, non alors pourquoi avait-il l'impression qu'on lui vrillait le cr?ne. Une voix résonnait près de lui, une voix qu'il connaissait bien. Dastan… Que ce crétin arrête de parler ! Plus les mots devenaient compréhensibles, plus la douleur refluait et bient?t, il put entendre parfaitement ainsi que discerner la grotte où ils se trouvaient avec son frère. Ce dernier lui faisait face, paniqué. Paniqué ? Il lui prêta plus d'attention, remarquant la tristesse contenue dans le regard cyan, la détermination farouche et… la peur de ne pas être cru, de l'abandon.

Cette angoisse semblait si profonde qu'elle le choqua. Depuis quand son petit frère pensait qu'il pourrait ne serait-ce que penser à l'abandonner, à ne pas être là pour lui ? C'est son frère ! Alors oui, il le taquinait, se moquait de lui car c'était leur mode de communication mais était toujours prêt à l'épauler s'il en ressentait le besoin. Mais c'était ce qu'il pensait, peut-être que Dastan n'en avait pas autant conscience que lui ? Soudain il regretta toutes ces railleries qui ne montraient pas tout l'amour fraternel qu'il lui dédiait.

? _ Ce qui lui fait peur, c'est ce que je pourrais dire. Et à qui je pourrais le dire. ?

Cette phrase retentit en lui comme le son d'une trompette de cérémonie, se frayant un passage avec la force d'un sabre affuté. Son frère avait besoin de lui, plus que jamais. Même s'il ne savait pas de quoi il retournait, il savait une chose : il serait là. Aujourd'hui, demain, dans dix ans. Il serait là. Alors il répondit, vibrant de cet élan de force provenant de son ?me toute entière :

? _ Dis-le moi Frère. ?

Et la lumière qui éclata au fond des prunelles tant aimées lui réchauffa le c?ur. Il avait fait ce qu'il fallait, il ne l'avait pas abandonné. Soudain, il sentit la douleur physique prendre possession de son torse et il remarqua les pointes de flèches dépassant de son abdomen. Mais craignait plus pour Dastan que pour lui. Et ce qu'il vit lorsqu'il se pencha sur lui le gela de l'intérieur. La flamme de l'espoir avait disparu, perdue dans l'ab?me de détresse et de rage qui se creusait au sein de son frère. Il aurait voulu le serrer une dernière fois contre lui, comme il le faisait lorsqu'il était plus jeune avant de partir à la guerre. Ce visage s'éloigna dans les ténèbres et il se réveilla d'un bond. Il respirait fort, encore choqué de ce changement si soudain chez Dastan. Il se leva, posa une main sur la poignée de la porte puis s'arrêta. Son corps fourmillait d'envie de vérifier que son petit frère allait bien, qu'il n'était pas cet être mort de l'intérieur qu'il avait entre-aper?u pendant son rêve. Il ne pouvait pas aller le voir en pleine nuit, il devait se calmer. Il retourna sur son lit et resta prostré pendant de longues heures à regarder le plafond, ne pouvant s'empêcher de voir encore et encore ces yeux baignés de larmes.