Chapitre 2 _ Par Amour

? Tybalt ! ?

Le cri de Maria venait de résonner derrière lui, mais rien ne pourrait lui faire oublier la haine qui valsait désormais avec son c?ur sans soucis.

? Non, ne t'emmêle pas ! ?

Tybalt venait de repousser avec violence la jeune femme qui tomba sur ses fesses par terre avant de se relever plus rapidement encore et de courir vers l'élu de son c?ur, bien décider à en découdre.

? Mais qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu me demandes ce qu'il y a ? Les Montaigu sont venus chez nous et tu me demandes ce qu'il y a ? Et ce Roméo. ?

La haine grandissait en son c?ur rien qu'à entendre ce prénom qu'il avait appris à ha?r plus encore depuis peu.

? Et Juliette ? ?

Rien qu'à l'entente du prénom de sa cousine, le c?ur de Tybalt se tordit de douleur, comme s'il essayait un instant seulement de reprendre vie.

? Quoi Juliette ?! ?

Le regard noir de Tybalt fit frémir Maria qui ne se laissa pourtant pas intimider et répliqua de plus belle :

? Tu ne l'auras jamais Juliette ! Arrête maintenant ! ?

Cette fois, la main de Tybalt s'éleva dans l'air et Maria ferma les yeux, prête à recevoir le coup, mais rien ne vint, seule la voix glaciale de Tybalt vint gronder dans l'air tel le tonnerre.

? Fiche le camp d'ici et que je ne te revois plus Maria.

- Tu crois en des rêves idiots Tybalt, elle ne t'aimera jamais ! ?

Cette fois le coup partit, provoquant un bruit sourd. Elle tomba au sol, complètement sous le choques.

? Maintenant, ferma là ! ?

Et une nouvelle fois dans Vérone, la haine prit le dessus dans le corps de Tybalt. Courant vers le neveu du Prince, il saisit sa crinière ébène et le tra?na au sol. Julian prenant un malin plaisir quant à lui de tourmenter le jeune Benvolio.

Et alors que Mercutio lui assénait plusieurs coups au ventre, Tybalt cracha une pointe de sang avant de se dégager et de lui envoyer son poing en plein visage.

La haine dansait dans ses yeux telle une flamme qui br?le le c?ur et l'esprit. Il perdait la raison, envouté par cette amante qu'il avait prise pour femme, la haine. Et tandis qu'il continuait un peu plus encore à s'enliser dans sa haine, une voix douce inonda la ruelle de son timbre cristallin.

? Tybalt ! Julian ! ?

Les deux hommes se relevèrent et Tybalt se retourna vers cette voix apeurée. Juliette. Elle se tenait là, dans ce carrosse tiré par ces deux cheveux baies. Elle semblait complètement perdue dans ces ruelles qu'elle connaissait pourtant bien.

? Cour petit chien, retrouver ta ma?tresse ! Wouf ! Wouf ! ?

Le blond lui cracha à la figure tandis que Mercutio restait à terre le sang ruisselant toujours le long de son nez pour venir caresser sa bouche. Il ha?ssait cet homme plus que de raison, plus que n'importe qui sur cette Terre. Plus encore que Roméo.

? Je t'aurais un jour, Mercutio. ?

Et sans un mot de plus, Tybalt disparu à travers la foule et grimpa dans le carrosse aux couleurs de sa famille. Le rouge et l'or étaient deux couleurs plus nobles encore que le bleu et l'argent. Julian prit place aux c?tés du coché et Tybalt daigna tourner son regard vers sa cousine lorsque le carrosse reprit enfin son chemin vers il ne savait quelle direction.

Juliette le regardait avec une colère qu'il ne lui connaissait pas, pourquoi était-elle ici ? Il n'en savait rien, et peut-être valait-il mieux qu'il ne sache pas.

Car oui, la jeune femme n'était pas dans les rues de Vérone pour la simple beauté d'une balade dans la ville de son enfance, mais elle attendait avec une impatience folle sa nourrice qui devait lui apporter la réponse de Roméo, et en se baladant dans ces mêmes rues qu'elle aimait tant, elle l'avait vu, elle l'avait vu en danger, son propre cousin, et son c?ur lui avait étrangement fait mal, il s'était comme brisé. Il avait trahi sa promesse.

? Comment as-tu pus trahir ma confiance, Tybalt ?

- Tu oses me parler de trahisons ?! ?

Le visage de Juliette se décomposa en un instant, les larmes perlant à ses yeux furent témoins d'une grande détresse, mais rien ne vint adoucir l'amertume qui régnait désormais dans les yeux de Tybalt.

? Tybalt, je…

- … Je te faisais confiance aussi Juliette.

- Comment ?

- Un Montaigu, tu as osé embrasser un Montaigu ! ?

Tybalt la fixait avec un air désespéré, ni amour, ni tendresses n'étaient présents dans leurs échanges, seule l'amertume et la déception était au rendez-vous ce jour-là dans le carrosse de la jeune Capulet. Juliette détourna soudainement le regard tant la honte face à son cousin refaisait surface.

? Ton père en mourrait de honte s'il apprenait que tu aimais un Montaigu.

- Mais… Mais je l'aime Tybalt. ?

Tel une confession elle l'avait murmuré, regardant de son regard si pur et larmoyant Tybalt, plongeant ses yeux de cristal dans ceux si sombre de son cousin. Cherchait-elle réellement du soutien auprès de lui ? Auprès de Tybalt le haineux ? Mais sans le savoir, elle venait définitivement de lui arracher le c?ur à mains nues, et de le broyer dans ses doigts, lui arrachant ainsi la dernière part d'humanité qu'il gardait en lui.

? Pourquoi lui ?! Pourquoi Roméo Montaigu bon sang ?! ?

Les cris résonnèrent maintenant dans la voiture des deux a?nés Capulet et Julian remercia alors Dieu de lui avoir fait prendre la place au c?té du cocher.

? Je… ? Tybalt, on ne choisit pas de qui l'on tombe amoureux… ?

Les mots de sa cousine l'achevèrent définitivement tant dans son regard il voyait la sincérité et la détresse. Alors d'un geste simple de la main, il fit signe au coché de s'arrêter.

? Qu'est-ce que tu fais ?

- Je continue le chemin à pied. ?

Mais Juliette le retenu par le bras, implorant le jeune homme d'un regard empli de larmes, elle semblait si perdue, il en aurait eu e?t pitié si l'homme en question n'était en rien un Montaigu.

? Je t'en prie Tybalt… Tu es le seul avec notre nourrice à pouvoir me donner une bénédiction. ?

Il écarquilla les yeux et Juliette sue qu'elle avait prononcé la parole de trop, elle déglutit avec difficulté et la réponse fut sans attente. Le jeune Capulet repoussa violemment sa cousine au fond du carrosse et cracha son venin sans plus attendre.

? Comment oses-tu me demander cela Juliette ?! N'as-tu aucune honte ? Te donner ma bénédiction ?! Te mener à l'autel ? Et quoi d'autre ? Embrasser Mercutio ?! Oubli ce Roméo. Tu es déjà promise de toute fa?on. ?

Il cracha ses paroles avec tant de rage, ces mêmes paroles qui lui heurtait à lui-même le c?ur. Cent flèches lui traversant le corps n'aurait été plus douloureux que cet instant.

? Toi aussi tu aimes quelqu'un qui t'est interdit ! Je pensais que tu comprendrais Tybalt. ?

Il eut un rire jaune, empli d'un sarcasme que lui-même ne se connaissait pas.

? Celle que j'aime ? Celle que j'aime Juliette, vient de m'arracher le c?ur à mains nues. Je pense que l'amour est réellement à bannir de mon être, je ne suis fait que pour valser avec la mort et avoir pour amante la haine. ?

Elle fixa l'homme descendre du carrosse, l'impuissance s'emparant de chacun de ses membres, l'incompréhension même si lisait sur son visage d'ange.

? Tybalt…

- Adieu, Juliette. ?

Et d'un dernier geste violent, il claqua la porte du carrosse, abandonnant sa cousine pour continuer la route à pied, seul. Replongeant dans ses souvenirs. La douleur lancinante dans son c?ur lui faisait tout oubliée autour de lui.

Non loin de là, la vie de Juliette basculait pour toujours, oubliant sa peine, offrant son c?ur à celui qu'elle aimait. Le destin de tous était désormais scellé dans les doigts fins de la mort.

Il se souvenait de leur rencontre, il se souvenait de leur toute première rencontre, quand elle n'avait que cinq ans et riait de tout, elle était venue à lui, avec ses yeux de cristal et l'avait alors appelé ? Tyb' ?, cela avait eu le don de l'énerver, mais il n'osa rien dire devant ce minois si innocent. Il se souvenait de la fa?on dont il était devenu instinctivement protecteur avec elle. Il ne se parlait jamais au début, et pourtant instinctivement il prenait sa défense, comme face à Julian qui se moquait d'elle car elle avait des taches de rousseur ou des joues trop rondes. Elle avait toujours été un petit morceau d'amour à l'état pur. Elle lui avait appris ce qu'était l'amour, la vie sans haine. La vraie vie…

Il était là, dans les jardins des Capulet, adossé à la fontaine du jardin. Il voyait la chambre de Juliette, encore allumée à une heure si tardive. Il rêvait d'aller la voir, de l'enlacer, de la supplier… Mais rien n'aurait changé, plus rien ne pouvait changer. Et soudain, il l'entendit lui dire au revoir, et il le vit, l'embrasser et partir par ce balcon qu'il fixait depuis des heures maintenant. Et une nouvelle fois, cette même haine envahit une nouvelle fois ses veines, ce poison sulfureux s'empara de son être. Détruisant la dernière petite parcelle de son c?ur encore en vie. N'avait-il pas le droit à la paix ? Des larmes de rage roulèrent le long de ses yeux et tandis qu'il s'approchait, il la vit elle. Penchée à la rambarde de son balcon, recouverte d'un simple drap blanc autour de son corps si fin et frêle, elle ressemblait à une déesse grecque.

La haine battant dans ses tempes, il courut dans les escaliers qu'il grimpa quatre par quatre, il voulait la prendre sur le fait, il voulait qu'elle ressente le même désespoir que lui, il voulait qu'elle souffre. Et tandis qu'il ouvrait la porte avec violence, Juliette sursauta. Elle était à peine revêtue d'une chemise de nuit d'été, mise de travers, les fines bretelles descendaient sur ses épaules et le tissu blanc, presque transparent lui offrait une vue dont il se serrait délecter par le passé, désormais il n'en avait plus rien à faire.

Les larmes de rage continuaient à rouler le long de ses joues rougies par l'effort et il ne pouvait détacher son regard noir de sa cousine qui semblait confuse et gênée. Elle savait qu'il savait, qu'il les avait vus ou pires encore, entendus. Et avait peur, horriblement peur de la scène qui allait suivre.

? Comment as-tu pus ?

- Tu nous as vus. ?

Le poing de Tybalt termina avec cette même rage dans le mur, la douleur qui suivit fut atroce, et se répandait dans son bras avec lenteur et sadisme, mais cela ne réussissait pas à lui faire oublier la douleur que criait son c?ur. Ses yeux embrasés brillaient dans la pénombre de la chambre, et ils ne pouvaient se détourner de Juliette.

? Tybalt, je t'en prie. ?

Juliette esquissa un mouvement doux vers lui, un mouvement qui voulait se résulter par un contact, un simple contact qui par le passé l'aurait instantanément apaisé. Mais cette fois il recula, tel un animal enragé par la peur il recula, le dégo?t présent dans son regard br?lant de haine. Et ce fut à ce moment que ses yeux se posèrent sur l'anneau entourant son annuaire si fin. Un anneau d'or et de saphir, magnifique anneau, qu'il n'avait jamais vu par le passé.

? Vous vous êtes mariés ? ?

Juliette ramena instinctivement sa main contre son c?ur, comme si Tybalt allait lui arracher l'anneau et le jeter par la fenêtre encore ouverte.

? Oui… Je l'aime Tybalt. ?

Il recula, plus encore d'elle, comme si en face de lui se tenait un démon inquiétant, angoissant. Ses yeux s'écarquillaient d'incompréhension, de peine, la rage s'essoufflait de son c?ur, la peine la rempla?ait.

? Non… Non ! NON ! ?

Ce qui fut au départ un simple murmure d'incompréhension s'était amplifié pour devenir un cri de peine qui fit s'échapper une larme des yeux de sa cousine, Juliette ne s'était jamais sentie aussi impuissant dans sa vie qu'en cet instant. Il quitta alors la chambre pour l'air frai du balcon et tout en s'accoudant à la balustrade, il prit sa tête entre ses mains, sa respiration saccadée témoignant de la grande angoisse dans laquelle il se trouvait.

Il savait qu'elle était derrière elle, il sait qu'elle n'était pas loin de lui, et il avait peur de la suite, il avait peur de l'état inconnu dans lequel il se trouvait.

? Tybalt… ?

Ce cri plaintif ne lui inspirait plus rien que de l'amertume et de la trahison, jamais de sa vie il n'avait cru qu'un jour sa Juliette le trahirait de la sorte. Elle pouvait tomber amoureuse de celui qu'elle souhaitait. Même de P?ris si elle le souhaitait, mais pas de Roméo. Pas lui.

? Je t'en prie. ?

Il se retourna plus violemment encore au vu de cette énième supplique qui lui hérissait le poil.

? Tu me pris de quoi ?!

- De comprendre !

- De comprendre quoi ? Que la femme que j'aime depuis toujours en aime un autre ?! Je m'y prépare depuis que tu me parles d'amour mon ange. Mais jamais, au grand jamais, je ne pouvais ne pourrais admettre que l'homme qui ma tout prit, qui ta tout prit, ta virginité, ta vertu… Soit un Montaigu ! ?

Elle suffoquait à son tour, les larmes roulant sur ses joues désormais comme sur celles de Tybalt. Toutes les pièces du puzzle s'emboitaient désormais dans son esprit. Comprenant chaque geste, chaque indice laissé par Tybalt. Il l'aimait… Et elle n'avait jamais rien vu… Jamais rien comprit.

? Oui, oui je t'aime Juliette, je t'aime comme un fou. Tu es la seule personne à qui je ne pourrais jamais faire de mal. Tu es mon trésor le plus précieux, la seule richesse qu'il me reste ici-bas. J'aurais pu tout faire pour toi, t'emmener à des lieux d'ici, loin de P?ris, de ta mère, des hommes qui ne te méritent pas… Loin de toute cette haine, juste toi et moi. J'aurais pu te dire tous les mots que tu attendais tant ! ?tre l'homme que tu as tant attendu… Et … Et tu m'as trahi sans une seule once de honte. ?

Le colosse qu'elle avait toujours vu en son cousin s'effondra alors devant elle, il tomba à genoux, pleurant toute sa haine et sa détresse tel un enfant. Alors elle s'approcha doucement de lui, comme s'il fallait qu'elle l'apprivoise tel l'animal qu'il eut toujours été. Elle comprenait enfin la prison dans laquelle il s'était enfermé depuis si longtemps, cette prison dorée qui le torturait jour et nuit depuis leurs plus tendre enfance. Et elle n'avait jamais rien vu, elle n'avait jamais rien compris. Elle l'avait torturé sans le savoir, elle lui avait demandé sa bénédiction, alors qu'il l'aimait. Elle était un monstre aveuglé par ses propres envies, ne voyant pas au-delà de ses envies à elle.

? ?. Tybalt… Qu'ai-je fait ? ?

Elle tomba à genoux, à ses c?tés, le c?ur lourd de désespoir, elle prit dans ses bras frêles son cousin qui pleurait toujours autant. Elle ne savait plus quoi faire, quoi dire. Avait-elle fait une erreur ? Où résidait désormais son c?ur ?

? Je t'aime, Juliette. ?

Elle caressait avec douceur sa tignasse blonde, contemplant avec désespoir le tableau dans lequel elle était elle-même actrice.

? Mais comment puis-je aimer mon cousin ? ?

Cette question était à la fois véritable et fausse. Au fond d'elle, elle savait qu'avant Roméo, elle avait cru l'aimer, aimer cet homme si doux et protecteur avec elle. Elle avait souhaité de tout son c?ur quitter Vérone avec lui et ne plus jamais revenir. Puis Roméo était apparu. Et tout avait changé dans son c?ur.

? J'aurais tellement aimé que tu tombes amoureuse de moi Juliette. Plut?t que de ce rat.

- Ne lui fait pas de mal, je t'en prie.

- Les promesses ne sont plus de rigueur Juliette.

- Pourquoi as-tu tant de haine dans ton c?ur ? ?

Il se dégagea à contre c?ur de l'étreinte de celle qui faisait battre son c?ur, l'aube se levait déjà et il savait ce qu'il devait faire, plus rien ne comptait désormais. Plus rien n'avait d'importance. Se relevant face au soleil, il essuya d'un revers de main les larmes qui perlaient encore à aux bords de ses yeux sombre et il reprit ce masque de froideur que Juliette ne lui connaissait pas.

? Si je meurs, me pleureras-tu ?

- Pourquoi veux-tu as ce point que je souffre ? Pourquoi veux-tu me faire souffrir ?

- Je vais juste te simplifier la t?che ma fleur. Je ne te demande pas de choisir, je laisse la mort le faire. ?

Ces paroles le brisaient lui-même, il ne se reconnaissait pas, il n'avait jamais vu ?a. Il n'aimait pas ce que l'amour le faisait devenir. Même si au fond de lui il savait que ?a n'avait rien à voir avec l'amour, c'était simplement la haine qui se déguisait en celui-ci pour mieux encore le contr?ler.

Il traversa la chambre et fut sur le point de quitter la pièce, mais ce fut comme si une voix lui murmurait à l'oreille qu'il ne la reverrait jamais.

? Tybalt ! ?

Celui-ci se retourna vers la raison de sa haine, de ses envies, elle lui faisait face, les larmes ruisselant encore le long de ses joues. Elle courut jusqu'à lui, se jeta à son cou, emprisonnant ses bras autour de sa nuque et emprisonnant ses lèvres dans un baiser. C'était un baiser lourd de souffrance, au go?t salé des larmes et avec un arrière-go?t amer, l'amertume du désespoir. Les larmes prenaient le dessus, les larmes de peur de Juliette, les larmes de douleur de Tybalt. Elle passa ses doigts fins dans ses boucles blondes, tandis qu'il emprisonnait enfin sa taille fine dans ses bras. Elle ne voulait plus qu'il parte, elle ne voulait pas qu'il lui arrive quelque chose.

Mais comme pour chaque baiser, le souffle vient à manquer et ils le rompirent, à bout de souffle. Et alors qu'elle allait ouvrir la bouche dans une énième supplique, Tybalt captura à nouveau ses lèvres dans un baiser chaste qui la laissa cette fois pantoise. L?chant la jeune femme, il lui adressa un dernier sourire, lourd de douleur, puis, tout en se retournant, sa voix rauque résonna une dernière fois dans la chambre de Juliette :

? Prend soins de toi Juliette. Je t'aimerais toujours. Sache-le. ?

Et il ferma la porte, laissant Juliette s'écrouler sur son lit, pleurant à chaude larmes et priant Dieu qu'il n'arrive rien à son nouvel époux et à son cousin.

[…]

Il savait qu'il ne reverrait jamais sa Juliette, peu importe l'issue de cette journée, il mourrait dans tous les cas, de la main de Roméo ou de celle du Prince. Au meilleur des cas il serait banni de Vérone, mais encore une fois, jamais il ne reverrait le doux sourire de Juliette. Ils s'étaient dit ? Adieu ?, car Juliette elle-même savait ce qui allait se passer.

Désormais, il ne lui restait plus qu'à tuer ce Montaigu.

? Tybalt ! Tu as appris la nouvelle ? ?

La face de fouine qui lui servait de meilleur ami se tenait désormais à ses c?tés tandis qu'il descendait les rues de Vérone avec impatience. Julian semblait excité comme jamais de lui apprendre sa fameuse ? nouvelle ?.

Soit celle-ci était excellente.

Roméo était-il mort dans un quelconque accident ? Ou de la main de quelqu'un d'autre ?

Soit elle provoquerait un cataclysme que personne ne pourrait contr?ler.

Juliette était morte. Ou pire encore, elle s'était suicidée.

? Quelle nouvelle ?

- Roméo Montaigu et Juliette, ils se sont mariés ! Tous le disent dans les rues ! Les Montaigu et les Capulet s'enflamment, tous t'attendent !

- Julian. ?

Le soupire lasse de Tybalt passa inaper?u aux yeux du jeune homme qui continua avec plus d'envie encore.

? Le Comte et la Comtesse Capulet ne sont toujours pas au courant, mais quand ils sauront… Je ne donne pas cher de la peau des deux-là. Apparemment la Nourrice serait complice qui plus est ! Te rends-tu compte ? Votre propre nourrice !

- Julian ! ?

Le furet se tut et planta son regard de serpent dans celui, si sombre, de son meilleur ami, il sut alors que Tybalt savait déjà tout, et que cette nuit encore, il n'avait pas dormi.

? Tu veux te venger, n'est-ce-pas ? ?

Le sourire presque diabolique du jeune furet en disait long sur le désir qu'il partageait avec son frère d'armes. Il n'avait jamais été très proche de Juliette, mais il la considérait comme de sa famille, son meilleur ami étant de la famille de celle-ci et il subissait donc également l'affront.

? Je vais le tuer.

- J'aime le Tybalt que je vois ! ?

Le rire qui suivit fut digne d'un diablotin heureux, et il courut devant le jeune Capulet, répandant la nouvelle : Tybalt allait tuer Roméo pour venger l'affront fait au Capulet.

[…]

? Signora ! Vous ne devriez pas monter dans votre état. ?

La jeune femme paraissait épuisée et ses yeux encore rougit de larmes inquiétait horriblement le palefrenier qui maintenait la jument en place tandis que Juliette montait sur la jument.

? Ne vous en fait pas Ferdinand, cela est une affaire trop urgente pour que je ne fasse rien.

- Bien mademoiselle, faites attention à vous. ?

La jeune femme ne répondit rien, s'enfermant dans un mutisme glacial, elle talonna simplement la jument grise et partit dans les allées de Véronne, espérant trouver Roméo et le prévenir à temps.

[…]

Tybalt marchait, pensant encore et toujours à sa Juliette, il avait réussi à toutes les avoirs, à quinze ans déjà il avait pris la virginité d'une femme. Mais jamais Juliette ne lui était sorti de la tête. Il l'avait vu grandir, il l'avait aimé. Et maintenant, elle partait avec lui. Avec Roméo Montaigu. Le c?ur de Tybalt n'était désormais qu'un tas de cendre qu'il ne sentait plus. Comment pouvait-elle aimer le fils des Montaigu ? Il allait lui montrer la souffrance que cela faisait, d'aimer quelqu'un. Il allait lui faire payer la faiblesse de sa fleur.

Il l'avait aimé depuis ses quinze ans, il en était devenu littéralement fou. Il était fou d'elle. Il avait osé lui dire qu'il l'aimait, pour ensuite l'abandonné et s?rement ne jamais la revoir. Il avait renoncé à son seul rêve, l'avoir pour lui, pour arracher la vie à celui qui lui avait volé sa douce Juliette. Il ne la reverrait jamais, jamais plus il ne sentirait son odeur, ni entendrait ses éclats de rires semblables à du cristal qui se brise.

Pureté et innocence s'entremêlaient en elle, et pourtant elle avait réussi à éveiller en lui une haine plus profonde encore qu'avant.

Son c?ur mourrait de jalousie, il se sentait tellement trahi, et il allait mourir aujourd'hui, mourir d'amour pour elle. Pour la seule qu'il avait réussi à aimer. Et tout au fond de son c?ur, il savait que c'était par amour que les hommes s'entretuaient depuis tant d'années, quelle ironie était-ce de lui faire promettre quelque chose que lui-même n'allait pas tenir.

Et dans son c?ur, là où la haine et l'amour se battaient avec ferveur, pour avoir le dessus, il savait que tous deux voulaient tuer Roméo.

? Tiens, tiens, tiens… Tybalt est parmi nous ! ?

La voix rieuse et teintée d'une ironie qui aga?ait au plus haut point Tybalt venait de résonner dans la ruelle.

? Mercutio, si le chien est là… Le ma?tre ne doit pas être bien loin. ?

Tandis que les jeunes compagnons de Tybalt tournaient autour de Mercutio telle une meute de loups affamés, Tybalt reprit :

? Je cherche Roméo !

- Tu cherches Roméo ? ?

Le regard soudainement paniqué de Mercutio fit frémir Tybalt. Il savait ce que Tybalt voulait, et cela inquiétait le frère de c?ur du jeune Montaigu. Mais la panique s'estompa aussi vite qu'elle était apparue, le regard fou et méprisant de l'homme à la tignasse ébène revint tout de suite, et en s'adressant à ses amis non loin, il cria en riant :

? Il cherche Roméo ! ?

Et tandis qu'il reprenait place devant le Tybalt, Mercutio reprit avec plus de moquerie encore.

? ?. Tybalt… Tybalt. Je t'ai vu chercher tellement de choses ! La fortune, l'amour… La querelle ! Mais Roméo… pourquoi ?

- Ne t'inquiète pas pour ?a, Roméo lui sait très bien pourquoi.

- Mon Tybalt, serais-tu devenu fou ? Non… Non ! Non ! Non ! ?

Tybalt eut toujours su depuis qu'il connaissait Mercutio que celui-ci n'était pas très clair et que la folie faisait partie de lui, mais en ce jour, elle ressortait plus encore que d'habitude, comme si le simple fait que Mercutio sache son frère de c?ur en danger le rendait plus encore imprévisible.

? Fou de jalousie peut-être ? Fou de chagrin. Fou de colère ! Mais Tybalt dis-moi, entre nous… Entre amis… Qu'as-tu fait de fou dans ta vie ? Rien ? Rien… Rien. Rien ! Rien ! Ah. Si. D'aimer celle qui ne t'aimera jamais. Oh oui, ?a c'est fou. ?

Il avait osé. Ce rat venait d'oser. Tybalt ne contenu en rien sa colère et tenta d'attraper ce rat de Mercutio qui évita avec souplesse le coup que Tybalt tenta de lui donner. Sa voix déraillant dans un rire horriblement horripilant, il continua.

? Tybalt, j'en ai fini de rire avec toi. Tu n'e qu'un fat, non tu es pire ! Ouvre bien tes oreilles mon ami, car aujourd'hui, c'est le jour où tu vas rencontrer la mort.

- Petit poète de pacotille. Maintenant c'est terminé, depuis que nous sommes enfant je rêve de te tuer. Ma patience va enfin être récompensée. ?

Les deux hommes commen?aient à se battre, leurs poings s'abattant sur l'autre. Lorsque soudain, le principal concerné arriva, s'interposant et les séparant avec force. Repoussant Tybalt qui venait de prendre Mercutio à la gorge.

? Laisse-le Mercutio.

- Roméo ! Comment oses-tu me demander, de demander sa gr?ce ? Ce n'est qu'un chien croit être un loup !

- La mort attend son heure, attendez la v?tre ! Mercutio, Arrête ! ?

Soudain Tybalt prit Roméo par le col de sa chemise bleue et lui cracha en pleine figure, mais le jeune Montaigu resta digne et murmura :

? Pense à Juliette, Tybalt. Elle est venue me chercher, pour te faire entendre raison. ?

Et tout en le frappant en plein ventre, Tybalt se mit à hurler de rage.

? Qu'est-ce que tu crois Roméo ? Tu te crois Roi ? Non ! Mais tu n'es rien. Pour personne ! Tu es comme nous, même pire que nous ! Te voilà plein d'amour ! ?

Et tout en frappant dans la jambe de Roméo pour l'empêcher de se relever, il hurla encore plus fort, comme si ses poumons étaient en feu.

? Et tu pisses la tendresse ! Tu es comme les vautours qui attendent la faiblesse. ?

Et il mit un énième coup de pied dans le ventre de son rival avant de se diriger vers Mercutio, poignard à la main, Il prit Mercutio par sa chevelure ébène et l'attira contre lui, plantant son arme dans le ventre de son ennemi de toujours qui venait d'essayer de s'interposer.

? La vie, n'est pas un thé?tre, Mercutio. ?

Le jeune poète tomba dans les bras de son frère de c?ur qui venait de ramper jusqu'à lui. Tybalt s'éloignant et riant à gorge déployée ne réalisait en rien son acte, la haine et l'envie de vengeance secouant et animant chacun de ses membres et embrumant son esprit.

? Aller Mercutio, relèves-toi ! ?

Mais rien ne se passa, Mercutio resta au sol, suffoquant, et le cri de Roméo alerta Benvolio.

? Mercutio ! Tu saignes !

- Regarde Roméo, la vie… Elle s'échappe. Je pars Roméo ! Ne t'excuse pas. Ce sont les enfants qui s'excusent ! Et Juliette aime un HOMME ! ?

Tybalt ria de fa?on sarcastique, rêvant de planter un nouveau poignard dans le c?ur de Roméo cette fois. La haine l'aveuglait à tel point qu'il n'arrivait pas à redescendre.

? Je t'en prie, aime Juliette, Roméo ! Aime-la de toute ton ?me, moi je meurs. Et je t'attendrais sur l'autre rive. ?

Dans un dernier élan de vie, Mercutio se releva, et Tybalt ne put retenir l'admiration qui estompait la haine qui s'était emparé de lui.

? Je meurs dans la poussière… Je meurs comme un roi… Continuez votre guerre ridicule ! Et je maudis vos familles !

- Je vais le faire taire !

- Tybalt, non ! ?

Le cri de Maria le retint, et soudain, Mercutio tomba à terre, inerte. Son dernier souffle quittant son corps. Le regard fixe il n'était désormais plus rien qu'un être de chair et d'os, sans vie. La panique emplie alors le corps de Tybalt, toute la haine l'emplissant jusqu'à maintenant s'évapora… Il venait de tuer Mercutio, il était mort… Plus jamais… Plus jamais ils ne se b?teraient, plus jamais il ne verrait la folie dans son regard… Plus jamais…. Il se retourna pour faire face à ses amis qui semblaient aussi paniqué que lui. Il croisa le regard de jade de Julian, et soudain ce cri effroyable le fit se retourner :

? TYBALT ! ?

Le jeune homme n'eut pas le temps de se retourner complètement, la douleur le traversa. Il était trop tard. Trop tard pour reculer. Tombant à genoux, il pensa une dernière fois à sa douce fleure, son visage vint s'écraser contre les pavés de la ruelle, et son regard sombre rencontra une fleur rouge au c?ur noir… Un coquelicot. Cette image lui arracha un dernier sourire.

Le corps de Tybalt était désormais sans vie, le sang s'écoulant de son abdomen témoignait de la plaie mortelle. Le poignard encore planté dans son ventre lui appartenait et avait déjà donné tant?t la mort à Mercutio.

Julian s'approcha tremblant, fermant les yeux de son meilleur ami avec douceur, puis il fut repoussé violemment par Maria, hurlant le prénom de celui qu'elle aimait.

[…]

L'agitation dans la maison affola Juliette qui était revenue quelques heures plus t?t à la maison des Capulet. Elle n'avait cessé de prier jusqu'à cet instant, espérant voir Tybalt franchir sa porte à tout instant, lui avouant qu'il s'était juste battu comme à son habitude. Elle voulait tout oubliée, revenir à quelques jours en arrière…

? Nourrice ?! Que se passe-t-il ? ?

La petite femme aux yeux rougis de larmes caressa tendrement la joue de Juliette. Elle sembla chercher ses mots avec douleur. Elle-même semblait incapable d'y faire face.

? ? mon Dieu… Juliette… Comment te l'annoncer. Nous devons partir pour l'église. Maintenant !

- Nourrice !

- Le monde… Est si cruel. ?

Les larmes de sa nourrice la rongèrent. Qui était mort ? ?tait-ce Roméo… ? Ou bien Tybalt ? Son c?ur se serrait avec une violence sourde à la pensée de son cousin mort. Elle repensa à la promesse de son cousin, en échange de la sienne, serrant avec force ses mains contre sa poitrine, elle entra dans le carrosse qui les mènerait à l'église de Véronne.

? Tybalt, je t'en prie… Tiens ta promesse. ?

Ils arrivèrent bient?t à l'église, son c?ur fut alors emprisonné dans un étau, l'amertume de l'angoisse vint lécher avec dégout sa langue. Elle ferma alors les yeux pour contenir ses larmes. Les cloches résonnaient telle une sentence tandis qu'elle entrait dans l'infini monument.

Sur une dalle mortuaire, reposait un corps à la chevelure d'ébène. Elle reconnut en un instant le meilleur ami de Roméo.

? Mercutio… ? ?

Elle ne put s'approcher du corps, tant il y avait de monde autour de lui. Mais la Nourrice continua sa route, entra?nant Juliette derrière lui. Et elle remarqua, qu'à quelques mètres de cette dépouille se trouvait une foule moins importante, de sa famille cette fois. Elle faufila entre tous, le c?ur plus serrer encore dans cet étau d'angoisse. Sur une nouvelle pierre reposait Tybalt, blanc comme la mort, ses cheveux blond étalé autour de son visage, il avait l'air de dormir. Le c?ur de Juliette se brisa dans une douleur sourde, comme si on venait de lui planter un poignard dans le c?ur.

? TYBALT ! ?

Son hurlement déchira le c?ur de sa Nourrice, et de tous ceux présents dans l'église. La jeune femme courut vers la dépouille de son cousin et s'effondra dessus. Les larmes ruisselaient avec douleurs sur ses joues, le silence sourd dans sa poitrine la brisait plus encore, et ce fut lorsque Maria osa s'approcher d'elle, les gants de Tybalt entre ses doigts fins, que Juliette daigna se relever du corps gelé de son cousin.

? Je pense qu'il aurait aimé que ce soit toi qu'ils les aient. ?

Elle prit les gants, fixant ceux-ci avant peine et peur. Alors était-ce ainsi ? Elle ne reverrait jamais cet homme au masque de givre mais à la tendresse si chaude ?

? Merci, Maria.

- Il t'aimait si fort, Juliette. ?

Juliette ne répondit rien. Son c?ur brisé la rongeant de l'intérieur, elle semblait vide de toute émotion, la mort dansante un peu plus auprès d'elle, fr?lant chacun de ses membres de ses mains si froides. Elle la sentait là, à ses c?tés, embrassant son front de ses douces lèvres, elle allait bient?t l'emporter elle aussi.

Elle aimerait, toujours et à jamais son Roméo, de tout son c?ur elle l'aimerait. Il était l'homme de sa vie, son amant, son ?me-s?ur. Mais l'innocence que Tybalt avait toujours couvé d'un ?il protecteur venait de mourir avec lui. Elle venait de voir mourir son enfance sous ses yeux, elle avait perdu une part d'elle-même dans ce meurtre effroyable.

Tybalt emportait avec lui une part de son c?ur, et elle savait désormais qu'elle ne serait plus jamais la même, il était mort par amour, par amour pour elle. Et sous le regard choqué de tous, elle déposa un baiser salé sur les lèvres de son cousin. Un baiser glacé, semblable à celui de la mort.

? Je t'aime Tybalt. A jamais. ?