Titre : Le Plongeon
Auteur :
Syhdaal
Genre :
Général
Base :
Weiss Kreuz
Couples :
Aucun
Disclaimer :
Weiss Kreuz appartient à Takehito Koyasu, Kyoko Tsuchiya, Ohmine Shoko… Bref, ces gens-là.

"Le Plongeon" n'est pas son titre, à la base, c'est "Addictions" mais j'ai un peu changé d'idée en cours de route et je me rends compte qu'elle est finalement mieux telle quelle.

Et puis chemin faisant, non seulement j'ai changé d'idée, mais en plus, j'ai fait une suite.

Enjoy !


Le Plongeon

Chapitre 4

I am friend to the undertow

I take you in, I don't let go

And now I have you

Suzanne Vega, ? Undertow ?

Quand Ken et Nagi quittèrent la clinique, la nuit était presque tombée. Ils remontèrent en voiture et Nagi bidouilla quelque chose sur l'ordinateur de bord pour trouver l'h?tel le plus proche. Il y en avait effectivement un à deux pas. Ils y descendirent, prirent deux chambres et se séparèrent pour la nuit. Après avoir pris une longue douche bien chaude et tra?né un peu, Ken se motiva pour aller frapper à la porte de Nagi. L'adolescent lui ouvrit avec un air suspicieux. Il s'attendait à sa visite mais n'était pas ravi de le voir, forcément. Ken leva les yeux au ciel. Omi n'était définitivement pas du même genre et il sentait qu'il allait avoir du mal à s'y faire.

– Qu'est-ce que tu veux ?

– Faut qu'on parle.

Nagi soupira mais s'écarta pour le laisser entrer et l'invita à s'asseoir. Ken prit une chaise pendant que l'adolescent s'installait sur son lit avec raideur.

– Détends-toi, je vais pas te bouffer.

Nagi lui jeta un regard agacé avant de s'asseoir plus confortablement en tailleur. Il avait les cheveux humides et son ordinateur portable était ouvert sur le couvre-lit. Nagi attrapa une bouteille d'eau à proximité qu'il lui lan?a.

– Alors ? Il t'a dit quoi ?

– Toi d'abord, invita Ken en réceptionnant la bouteille et en prenant une gorgée.

– Il m'a dit qu'il n'allait peut-être pas survivre à l'opération. Que ses blessures internes étaient graves.

– Il m'a dit la même chose.

– Il a dit que tu allais devenir mon tuteur. Je te préviens, je suis pas d'accord.

Ken reboucha la bouteille et soupira, s'accoudant sur ses genoux.

– Ecoute, je le fais parce qu'il me l'a demandé et que t'es trop jeune pour te débrouiller tout seul. Ca m'arrange pas, je comptais retourner chez Kritiker.

Nagi leva les yeux au ciel.

– Tu parles, tu veux vraiment retourner là-bas ? Me fais pas rire !

Ken haussa un sourcil à son ton clairement incrédule, et fit la moue.

– Mouais... J'ai pas tout à fait décidé ce que j'allais faire. Mais ce que Brad a dit change tout. Tu n'as pas quitté une organisation pour entrer dans une autre et je t'emmènerai pas chez Kritiker.

– Parce que tu crois vraiment que t'aurais pu m'y forcer ? Lui dit Nagi avec un sourire incrédule.

Ken se fendit d'un large sourire. Le gamin commen?ait à se détendre, c'était un bon début.

– J'aurai pu essayer, assommé, drogué, ligoté, j'pensais que j'avais ma chance.

– Contre un TK ? Tu plaisantes.

– Ca va, t'as le sommeil lourd.

– J'avoue, dit Nagi en déballant des friandises qu'il lui lan?a sans crier gare.

Ken attrapa les biscuits au vol sans ciller. Il avait de bon réflexes, aussi bons que ceux de Schu ou Farfarello. Nagi hésita avant de se lancer, se gratta la tête et se décida à parler :

– Tu vas vraiment devenir mon tuteur ?

– J'ai pas trop le choix, si ? Dès que tu auras dix-huit ans, on pourra dire qu'on est quitte... Ca te fait trois ans à me supporter, ?a te semble gérable ?

Nagi pencha un peu la tête de c?té, mesurant ses options et ses choix. Ca voulait dire vivre avec un Weiss mais être protégé, vivre avec Ken qui avait détruit l'orphelinat mais avoir une maison, pouvoir voyager et aller à l'école. Trois ans, ?a n'était pas grand chose. Un peu plus de mille jours. Il avait survécu tout ce temps là dehors, il pourrait survivre avec un Weiss, surtout qu'il n'était pas si terrible. Ca aurait pu être pire. Il aurait pu être coincé avec Abyssinian ou Balinese... Ca n'aurait sans doute pas été la même chanson. Quant à Bombay, il l'avait toujours agacé avec ses grands sourires heureux et ses discours à la con sur la justice, ce sale hypocrite. Finalement, Ken était le moindre de tous les maux Kritikerien.

– Il faudra bien. Et puis...

Ils échangèrent un regard.

– Brad n'est pas encore mort, dit-il finalement.

Bizarrement, Ken acquies?a à sa réflexion. Nagi se leva pour aller fouiller dans le sac de sport noir. Il en sortit un paquet sous blister. C'était un téléphone prépayé. Il se tourna vers Ken avec un petit sourire entendu.

– T'avais pas un coup de fil à passer ?

Pour la première fois depuis qu'il le connaissait, Nagi vit un sourire un brin calculateur se dessiner sur les lèvres de Ken. Brad n'avait peut-être pas tout faux, finalement.


La jeune femme rousse en tailleur pantalon s'installa sur un banc avec un soupir. Son équipe avait disparu dans l'océan et aucun corps n'avait été retrouvé par les plongeurs. Les recherches avaient été abandonnées au bout de quelques jours. Sa seule piste, c'était une voiture volée devant un restaurant à quelques kilomètres de là. Elle ne savait pas à qui elle devait s'attendre, la personne qui avait appelé sur sa ligne directe avait une voix modifiée et n'avait pas laissé son nom. Juste une adresse, une heure et le mot Weiss.

Au bout de dix minutes d'une attente qui lui parut interminable, une silhouette en jean et baskets, casquette enfoncée sur la tête, traversa le parc pour venir s'assoir près d'elle.

– Ken ?

Le jeune homme soupira, les mains dans ses poches. Il scrutait les environs de dessous sa casquette, au cas où d'autres agents seraient dans le coin.

– Ouais.

Elle était très étonnée de le voir là, alors où étaient les autres ?

– Les autres sont...

– Je venais justement te poser la question. Les avez-vous repêchés ? Retrouvé les corps ? Et les Schwarz ?

Manx lui jeta un regard navré.

– Nos équipes n'ont retrouvé personne, pas même d'objets personnels ou... Rien. La tour a tout emporté et il faudrait faire intervenir des engins spéciaux pour fouiller les décombres au fond de l'eau. Même une heure après, on savait bien qu'il n'y avait plus d'espoir de retrouver des survivants.

Ken accusa le coup.

– Okay... Okay. Aya-chan et Sakura ?

– En sécurité.

Une bien maigre consolation après avoir perdu ses amis, mais au moins Aya ou Ran, peu importe son nom à présent, avait eu ce qu'il voulait.

– Kritiker sera ravi de te savoir en vie.

Ken éclata d'un rire glacé.

– Oh ouiiii ! Mais non. Tu penses bien que je retournerai pas là bas. Plut?t crever. Non, je voulais juste savoir si vous aviez repêché quelqu'un. Mais si je suis le seul encore envie, je prends la tangente.

– Ken, tu connais la loi.

– Déclare-moi mort, Manx. Fais comme si tu ne m'avais jamais revu. Dans une heure, j'aurai disparu.

– Après tout ce qu'on a fait pour toi ?

– Après tout ce que vous m'avez fait, tu veux dire ? Vous m'avez mis un collier de chien et vous m'avez forcé à tuer des gens pour un salaire minable et ma seule compensation, c'était la "justice". Mon cul.

Ken lui jeta un regard assassin et Manx per?ut sa colère immense.

– C'est la quatrième fois que je perds ma famille, Manx ! Mes parents, l'orphelinat... Y a eu Kase et maintenant Weiss. C'est fini, j'ai payé mon d?, dit-il en se levant.

Il était assez fier de lui. Il n'avait pas balbutié, n'avait pas digressé. Il était venu, avait dit ce qu'il avait à dire, et il repartait en sachant ce qu'il voulait savoir. Ce genre de r?le ne lui avait jamais convenu, mais pour une fois, il l'avait rempli parfaitement. Manx lui jeta un regard qui lui sembla inquiet ou préoccupé, peut-être.

– Ils te retrouveront.

– Pas si tu ne leur dis pas. Au revoir, Manx.

Elle le regarda partir complètement sidérée par son attitude. Ken avait déjà essayé de tout laisser tomber, plusieurs fois. Il y avait eu la mission avec son ami d'enfance, puis la jeune femme. Avec Aya, Ken avait toujours fait partie des dissidents. Mais le voir tenir ce discours avec une telle détermination, c'était inattendu. Elle se leva et courut le rattraper.

– Ken !

– Quoi ?

– Je te laisse vingt-quatre heures.

– De réflexion ? C'est trop tard.

– Non. Vingt-quatre heures d'avance. Je suis obligée de leur dire. Ils te chercheront.

Ken sembla se détendre d'un coup. Alors elle lui filait un coup de main ? Il ne s'y attendait pas, mais c'était bienvenu. Toute aide était la bienvenue.

– D'accord. Vingt-quatre heures. Merci Manx.

Il déposa un rapide baiser sur sa joue, un geste qu'il n'aurait jamais osé faire en temps normal, surtout connaissant la rapidité de la jeune femme à dégainer mais il se dit que pour une fois, elle laisserait passer. C'était un adieu au dernier membre en vie de son équipe et elle laissa effectivement couler ce geste d'affection.

– C'est un adieu ?

– Oui. Adieu, Manx, lui dit-il en s'éloignant.

Elle resta plantée là, entre les gosses qui jouaient et les gens qui promenaient leur chien. Lui se fondit dans la foule et disparut en un battement de cil. Weiss, c'était fini.

Ken traversa deux rues à pied et s'installa au volant d'une voiture grise. Nagi attendait sur le siège passager, son portable en main. Il était équipé d'une oreillette invisible, comme Ken. Ils avaient élaboré leur plan jusque tard dans la nuit, étudiant soigneusement le quartier du rendez-vous, au cas où Kritiker lui aurait tendu un piège. Visiblement, Manx avait réussi à esquiver pour le moment. Ils quittèrent le quartier pour se rendre au Koneko. La petite boutique était fermée. Ken sentit son c?ur se serrer douloureusement. C'était pas croyable de se dire qu'il ne restait que lui, c'était un vrai cauchemar.

– Bon, j'y vais.

– Je viens avec toi ? Proposa Nagi.

Ken faillit refuser, mais savait-on jamais.

– Okay, on va passer par derrière, ce sera plus discret.

Ken le guida vers une allée qui donnait sur un accès à l'arrière boutique. Nagi mit à nouveau ses pouvoirs à profit pour liquider les verrous de la porte.

– Toi, tu fais la fortune des serruriers du coin, non ?

– Hm. C'est ma contribution à l'économie locale, disons, reconnut Nagi en poussant la porte avec précaution.

Ken entra en premier, lui faisant signe de rester en arrière. Il attrapa machinalement un balai au passage, au cas où. Les outils de jardin étaient un peu plus loin, dans la boutique et les couteaux en cuisine... Il devrait se contenter de ?a jusqu'à ce qu'il trouve mieux. D'un coup, il se sentait un peu comme dans les jeux vidéos de survival horror qu'Omi affectionnait. Il chassa ses pensées pour jeter un coup d'?il dans le couloir et tendre l'oreille. Ca paraissait absolument vide. Il fit signe à Nagi de le suivre et ils avancèrent dans le logement, t?tonnant jusqu'à la cuisine. Ken toucha machinalement la veste de Yohji, restée là sur un dossier de siège. Il repéra aussi la tasse de thé abandonnée dans l'évier, celle d'Aya, évidemment. Il en aurait chialé, mais c'était pas le moment. Nagi n'avait pas fait autant de chichis quand il avait fallu récupérer des affaires chez lui, la veille. Moins embarrassé par les souvenirs que lui, le gamin venait d'ouvrir un tiroir pour y pêcher un couteau qu'il lui lan?a. Ken lui adressa un signe de tête en remerciement et abandonna là son arme de fortune. Il monta rapidement les escaliers jusqu'à sa chambre, Nagi sur ses talons. Là, il attrapa son sac de sport, toujours en plan près de son armoire et regarda dedans. Il ne contenait pas grand chose, juste des vêtements de foot et ses crampons. Ken ouvrit les portes de son armoire à la volée, jetant dans son sac tout ce qui lui semblait d'utilité. Vêtements, paire de boots, souvenirs... Ses griffes de tigre avaient coulé au fond de la mer mais il avait des gants de secours, quelque part au fond de son placard, au cas où le mécanisme aurait été perdu ou irréversiblement endommagé. Il retourna le tiroir de sa table de nuit, fourrant dans son sac un carnet assez épais, une clef USB et son téléphone portable. Il hésita avant de prendre sa bible, un livre qui l'accompagnait partout depuis qu'il était petit.

– Autre chose ? Murmura Nagi comme pour le sortir de ses pensées.

Ken prit le temps de la réflexion et attrapa une veste en cuir noir dans sa penderie. Il ne l'avait encore jamais mise, c'était un cadeau des autres pour son anniversaire. Il la passa sans réfléchir, et survola un instant cette chambre, sa chambre, qu'il avait habité de longues années. Il arracha quelques photos punaisées à la porte qu'il mit dans son sac et se détourna.

– On s'arrache.

Ils quittèrent le Koneko sans se retourner.


Contre toute attente, et s?rement parce qu'il avait eu beaucoup de chance, Brad fut autorisé à sortir une semaine plus tard. Nagi et Ken avaient gardé un ?il sur les informations et les activités de Kritiker, au cas où. Le soir, ils avaient pris l'habitude de d?ner tous les deux avec des plats à emporter dans la chambre de Nagi, devant la télévision.

Kritiker avait quand même eu la décence de leur organiser des funérailles, surtout pour garder une cohérence vis à vis de la clientèle de la boutique. Raison officielle, un accident de voiture mortel sur une petite route de campagne, durant le week-end. Ken assista à l'office de loin, casquette sur la tête et blouson de cuir noir, avec Nagi et Brad qui l'attendaient dans la voiture.

Il remonta en voiture sans un mot et Brad démarra. Personne ne commenta lorsqu'ils s'arrêtèrent en bord de mer pour disperser des fleurs au vent. Faute de corps et par sécurité, ils n'avaient pu organiser de funérailles à Schuldig et Farfarello. Point de repos pour les méchants, dit l'Eternel.

Nagi avait opté pour des lys noirs et une autre variété plus délicate, des lys-araignée rouge. Leur odeur poudrée prenait à la gorge dans l'habitacle de la voiture, mais c'était adapté à la situation.

Ken avait sélectionné quatre fleurs différentes en souvenir. Il tenait entre ses mains une freesia blanche, une rose rouge et une gentiane bleue. Il avait même trouvé une cattleya orangée, en souvenir de Yohji. Une pour chaque vie.

Brad, lui, avait choisi des camélias aux pétales écarlates et au c?ur d'or. A cela il ajouta un chrysanthème blanc, comme un adieu. La fleur immaculée flotta sur la crête des vagues bien longtemps après qu'ils soient partis.